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- Due Mojitos por favor !

- Dos ? La fille fait le signe hippie avec son index et son majeur.

- Si señorita. One with no alcohol por favor.

 

   Je la regarde verser le sucre brun dans nos verres, l’alcool dans le mien, elle ne porte qu’une culotte noire, elle est en bronze et ses cheveux bouclés sont mouillés. Je rejoins ensuite ma tendre, qui lève simplement le bras, sentant que je m’approche à tâtons, elle détecte ma présence. Etendue sur la serviette en forme de cœur, elle coince son verre dans une fente entre deux parois rocheuses. Punta Galera, un amoncellement de pierres, attend de nous écraser, qui me fait penser début et fin de l’univers. Zabriskie Point & Mad Max. Partout ces paires de seins en poire et ces couilles en poirier. Un îlot dans l’île, vida y libertad, même s’il faut en convenir, il ne s’agit là que de bronzage, baignade, mojitos sous le manteau. Tout a une profondeur. Comme sa cambrure quand elle se tourne pour se délecter et offrir son dos  au soleil tout-puissant.  Suffit de descendre sur quelques gros cailloux. Elle me devance et d’un coup, posant un pied devant l’autre, je la vois sombrer. Ses cheveux clairs en reflets ondulent, s’enfoncent puis elle ressort en éclatant de rire. Je plonge la rejoindre.

 

   Au restaurant, elle me confie ne pas avoir une faim de loup. Quand le garçon nous aborde, je lui demande si elle est certaine, elle hoche la tête et je commande une assiette de fruits de mer et leur meilleur vin. Je la dévore des yeux. Le garçon revient avec un seul verre à pied, je le prie d’en amener un second. Partager le sang du Christ, le symbole le plus sacré d’une orgie bien réussie, et ce depuis des millénaires, nous finissons la bouteille.

 

   Elle appelle les taxis mais d’aucuns continuent de l’ignorer. Quand c’est moi qui tends le bras, en revanche, bizarrement ça mord. Et dans la nuit qui tarde à rafraîchir nous quittons la ville.  Pour la semaine, nous avons élu domicile dans la villa d’un collègue. Ce dernier joue à la dette comme on joue au Loto. Plus il s’endette plus il imagine qu’il peut gagner. Mais il est généreux, le bougre, et bien plus chanceux que tous les connards que je connais qui jouent au Loto. J’en profite pour le remercier de ce prêt, et Judith se joint à moi. Sur deux étages reliés en colimaçon, nous prendrons le temps d’explorer nos fantasmes du moment. Dans le jardin, la piscine, et le hamac est le lieu privilégié pour siester crapuleusement, jambes dessus, jambes dessous. Ce soir, après la douche, dans le miroir. Elle me susurre au lit, dans le drap blanc, sous sa nuisette transparente, qu’elle est épuisée, qu’elle a passé une belle journée. Je l’embrasse, trois fois, sur la bouche, le nez, le front et déjà je la sens qui s’échappe de son corps, de la villa, de l’île toute entière.

 

   La lumière dans le couloir. Je me tourne vers elle, pour l’enlacer, on l’a remplacée par un grand vide, le précipice, le plongeoir de 12 mètres, je m’accroche à ce que je trouve mais je me ratatine. Je descends lentement en me tenant à la rambarde. Son souffle est dans la cuisine. Je la vois se goinfrer de chocolat blanc. Elle me sourit, prise sur le fait, l’air con, je le viole, elle me tend le chocolat, je le suce. On retourne se coucher, non sans un coup d’œil à la lune.

Les rayons dans ma perpendiculaire, comme des côtes solaires, je la découvre au petit matin, dans le fauteuil avec un de mes bouquins fétiches. Je ne me souviens pas lui en avoir parlé. Je remonte en courant, et je choppe au fond de notre valise le mode d’emploi.

 

   Ce jour-là au travail, tout le monde avait été infect. C’était mon anniversaire, on me l’avait souhaité chaleureusement à coups de cafés et de cigarettes. Ensuite, chacun s’était fait un plaisir de me rabaisser. Sur le pas de la porte, je n’étais guère plus reluisant que la crotte du chien des voisins. Dans le noir, je me suis retourné pour mettre un coup de clé et la lumière s’est allumée. J’ai vraiment flippé, j’ai dû faire un bond en arrière. Ils étaient tous là. Becky, Laura, Maurizio, merde, j’en oublie, et c’est le mot surprise qui sortit en chœur de leur bouche en cul de poule. Ce que j’étais heureux. On s’embrassait, parfois on se serrait juste la main. Je pris mon meilleur ami dans mes bras et il dut croire que j’aimais excessivement cette position. La vérité, c’est que je vis cet énorme paquet derrière lui, et je ne sus plus broncher.

 

   Quand je redescends, elle est toujours là, et elle tourne les pages. J’avance très lentement, je me baisse à ses pieds, lui lie les genoux, tire sur sa culotte pour la faire glisser sur ses chevilles et je la suce.

Sur la table, il y’avait un plan. Il était sous-titré Atlantis. Je prends la grande serviette pour deux, remplis le jerricane d’eau, notre essence sous ce cagnard. Ses seins enflamment son t-shirt fin alors que le soleil entame sa descente. La marche est longue, elle manque de chuter, je lui retiens les poignets, puis nous courons sur le sable. Une fois en bas, elle tombe le short, je bombe le torse. Elle me nargue, je m’approche, surfe sur les algues et me coupe. Elle me conseille de laisser mon pied sous l’eau un moment. Je la regarde d’en bas, sécher nue sur son rocher. Le sang a cessé de couler, je grimpe et la rejoins, le soleil me réchauffe. Je sèche et mon sexe reprend sa taille originelle. Des gens longent la côte sur des zodiacs. Certains parlent Français. Je bande maintenant. Elle a les yeux fermés, je lui mets un doigt. Nous faisons l’amour, c’est très tendre, et elle crie. Il n’y a plus personne.

Une nouvelle de Charly Lazer écrite à Ibiza et illustrée par Yoann Kim

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