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Manquait que toi pour que la Tchèquie soit le Paradis, aujourd'hui

   C'est dans ces moments-là, quand le ciel d'août gris nous tombe dessus, que je replonge le plus dans ces jours trop vite passés. Depuis ce soir où je perdis la vue sur le Pont Charles de Prague et mes copines qui dûrent m'épauler, jusqu'à ce banana-split matinal sur une place de Kutna Hora; prends la place de Tourcoing et ajoutes-y ce quelque chose de magie qu'on ne trouve vraiment que dans les voyages en profondeur : Creepy Teepee. Ce festival fait partie de ces havres de paix qu'on rêve, qu'on frôle du bout des doigts, qui nous font peur puisqu'on en attend bien plus que de la paix en fin de compte, et qu'on laisse, sur le bord de la route, comme les cons retournent dans la triste réalité de leurs vies avec leurs espoirs aussi vifs qu'une meute de piranhas accrochés à notre talon d'Achille : être un bon humain, ces espoirs qu'on regarde s'envoler et qu'on essaie d'attraper comme un enfant tournant pour toujours sur un manège de néons, c'est le pompom, il ne me reste qu'à enfourner mes souvenirs à l'intérieur d'une boîte en bois, sous une pellicule de sable fin comme dans Jumanji. Je sortirai de terre l'an prochain, mi juillet.

   Ce qui frappe en arrivant à Kutna Hora, c'est qu'on n'est pas totalement sûrs que ce soit Kutna Hora. On finit par tomber, en grande partie car je me souvenais qu'il y avait une cheminée d'usine, sur le festival. Aucun panneau directionnel, juste une petite affiche qui ne paie pas de mine. Un seul vigile, une totale liberté. On est parmi les premiers, j'aime bien, on verra le truc se remplir, les belles personnes fagotées investir la place pavée et s'exhiber lascivement sous le soleil. On a trouvé une fille et un garçon suédois à l'hostel pragois ce matin et ils nous ont demandé ce qu'on faisait, on les a donc pris sous notre aile, avec leur bénédiction, ils ont été ravis et on a fini par se perdre de vue. N'est-ce pas agréable de partager des instants uniques avec des personnes uniques? Uniques puisqu'on aurait pu ne jamais se rencontrer, en tout cas ne jamais se retrouver ici ensemble, et uniques aussi pour toutes les autres raisons possibles. Cette fille qui tire cette photo, existait-elle vraiment, l'appareil photo est-il le prolongement du coeur, et si c'est un jetable comment on fait? 

    La magie des lieux opèrent dès qu'on se décontracte et qu'on perd pied, en se foutant pas mal de quel adorable connard jouera après, en se laissant aller. L'affichage du line-up est approximatif mais jamais deux concerts en même temps, ne sautons pas à cloche-pied, on a tout le temps, ça prendra du retard, je ne regarde plus ma montre, que c'est déjà le matin, au gymnase l'heure de la douche collective a sonné. Il n'y a personne, je désespère puis tu arrives.


 

    Un petit coup d'oeil à la programmation. J'ai aimé vivre ces expériences de danses enivrantes ou musclées, la danse était partout synonyme de grandeur, d'inutilité et d'existence dans l'inconnu qui se presse là, moite et accueillant. Mykki Blanco à côté de la djette, universel Kap Bambino en émeute, Ducktails sur ma planche de surf, mental, Teams en punk du futur, Sapphire Slows méditant un monde meilleur les mains en l'air, Police des Moeurs. Avec Peleton, en photo sous le soleil qui tombe du ciel comme une pomme qu'on chasserait à l'arc, j'étais plus le même, solitaire, vénère, le retour du petit kid de 16 ans dans sa première cave, totalement fan de ce qui se trame, totalement accro au premier mouvement.


 

    Le sentiment de liberté s'oppose souvent dans ma vision des choses à la prise de comprimés. Je n'arrive pas à croire qu'une seule petite poussière ait pu circuler dans ces tendres narines mélomanes, j'ai envie d'être un petit être naïf, qui boit sagement son ice tea maison, son club mate, son virgin mojito, sa soupe tchèque presque solide et trop délicieuse. Pourquoi la drogue aurait-elle une raison d'exister dans un endroit où la musique est parfaite, les corps attendrissants, les sourires authentiques, les soft drinks variés bon marché. Cette libération des corps était vivace, omniprésente, naturelle et le seul jugement que je pouvais porter sur elle c'était un "cool" ou un "chapeau", mais je ne dis jamais chapeau, alors cool.


 

    Là c'est quand j'ai échangé sans faire exprès mon sac avec Julia, une tchèque qui par magie parlait un Français angevin. Elle baladait partout mon töte-bag qui était devenu son otage. 


 

    Souvent je pensais à des amis, je voulais qu'untel apparaisse, qu'unetelle soit à mes côtés, pour me dire comment elle se sent, je vivais le truc à fond, rien que pour moi, très égoïstement, en regardant les jolies filles avec une certaine distance tout de même. Celle qu'on a forcément, quand après des dizaines de festivals on se dit qu'on a mis le doigt sur quelque chose, cette distance qu'il faut néanmoins oublier si on veut continuer de vivre normalement sans trop juger ceux qui vivent à leur propre rythme. Suis-je en train de les juger en disant ça? Mykki, fais moi un câlin!


 

Un article écrit et photographié par Charly Lazer

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