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Dans

La

Maison

Une nouvelle de Flora Jarret

   Cette maison m’attend. Je l’ai contemplée, humée et je sais qu’elle désire que je la visite de fond en comble. Pourtant, elle ne semble pas ouverte, rien ne laisse penser qu’à l’intérieur quelqu’un est là, l’oreille tendue, prêt à m’embrasser sur le palier. Je le sais, cette maison m’attend puisque, déjà, je suis dans la cour, devant le portail. ​​​

Alors j’entre.

Je dois passer deux portes, une première, large et fine à la fois. Une porte entr’ouverte. Puis, j’en franchis une deuxième. Elle ressemble aux rideaux de portes en perles de bois chez nos grand-mères. Elle ne résiste pas car elle m’a vu entrer et elle se sent en sécurité. Plus besoin de me résister, elle sait que dans la maison je suis plus attendu que n’importe quel inconnu. Et, doucement, elle s’ouvre sans même que je la touche.

Alors j’entre.

Ma tête, plus sensible que mon corps, se gorge immédiatement d’une chaleur si agréable, si unique que je ne pourrais la décrire sans fausser l’exacte extase que je ressens. Une fusion de douceur, d’humidité tiède, de précipices généreux. Cet endroit est l’antre du plaisir. Pourtant, je suis compliqué en matière de déco d’intérieur, il m’en faut beaucoup pour me sentir chez moi ou mieux : bien chez les autres. Je décide donc de ressortir et d’y entrer une nouvelle fois, pour que la sensation de bien-être se renouvelle. Faire durer ce plaisir m’obsède. Je m’extrais, puis je pénètre dans cet espace. J’aimerais le faire indéfiniment et m’arrêter quand, à force d’entrer - de sortir - d’entrer, je serai finalement convaincu de mon plaisir. Je le suis, je jouis. J’ai trouvé la maison qu’il me fallait.

 

 

   Plus tard, on m’évoque, en chuchotant, la possibilité d’un deuxième foyer, voisin du premier. Une maison pour certains hantée, pour d’autres exceptionnelle mais toujours auréolée de l’interdit. On me dit que cette dernière m’attendait. Mais je sens qu’elle est moins préparée à ma venue. Ici, il n’y a qu’une porte à traverser. Le seuil à franchir pour connaître cet univers noir. Il me semble qu’une armée invisible me repousse, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour dépasser cette ligne imaginaire mais rien n’y fait. Pourtant, après quelques coups frappés à la porte, des coups de toutes sortes, petits, plus grands, forts ou en profondeur, on me résiste. On faillit devant mon envie de dire bonjour. Quelqu’un, en première ligne, a décelé chez moi une motivation certaine, intéressée mais aussi intéressante. Et là, c’est un cosmos qui m’apparaît. Je me suis perdu dans un sas mais je ne veux pas être retrouvée, j’exige d’écouler des jours heureux dans cette grotte chauffée. J’y suis si bien que j’ai peur d’en ressortir. Et si cette caverne était soudain recouverte, que je ne réussissais plus à la pénétrer, visiter ses secrets ?

Je tente tout de même l’expérience et, dieu soit loué, je peux aller et venir à ma guise. Quand je reviens en arrière, on m’éjecte et quand je reviens à l’intérieur, on m’aspire. L’espace est confiné, je touche tous les murs du couloir d’entrée, tellement ils se resserrent sur ma tête prête à exploser de plaisir. Il provoque chez moi des saisissements insoupçonnés. 

Est-ce l’interdit ou bien la nature de ce toit qui encourage mes accès dans la grotte chauffée ? Quoiqu’il en soit, je jouis bien avant d’en avoir le cœur net. J’ai trouvé la maison, que dis-je, la résidence secondaire qu’il me fallait.  

 

Illustrations d'Aline Davion

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