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Dream A Little Dream of Me

 

 

Une nouvelle écrite et photographiée de Farouk Archaoui

Onze heures quinze.

 

               Rue d’Italie.

 

               Les pigeons roucoulent et les vieilles fument des roulées avec un embout en plastique pour ne pas abimer leurs lèvres usées. Certaines rajeunissent d’un rouge à lèvres. Sous l’œil provençal je m’étire en buvant un café. Une grande brune passe, une autre ouvre sa fenêtre et rit. Les façades des boutiques ont déjà tiré le rideau de la nuit et se réveillent peu à peu. Je la saisis tout entière dans sa robe légère. Ma main s’avance, hésitante pécheresse. Vers elle. Vers son genou. Les pigeons s’envolent et s’envolent les amours d’un instant. Les pigeons roucoulent et tout est soudainement à aimer. Follement. Indignement. Je sens le tissu de fleurs sous la paume. Son genou comme fatalement fait pour moi. Je commence à relever le pan. Une cuisse de cuivre s’éveille.

 

 

Quatorze heures huit.

 

               Pavillon de Vendôme.

 

               C’est à l’ombre des platanes que reposent mes yeux fatigués de ton cul sans cesse admiré. Entre tes cuisses brunes amantes souffle le rêve d’une masturbatrice. Bien assoiffée tu te penches à la fontaine comme je me pencherai tout à l’heure sur le bénitier. C’est à l’ombre des amours passées de Louis et Lucrèce que j’étreins la vie aux cheveux châtains. Le ciel est vide de toute angoisse. L’avenir est à nous. Baisons pour les prochains jours heureux.

Quinze heures trente-deux.

 

               …

 

               J’erre dans les rues d’Aix. Ecrasé par la chaleur je me perds comme je me perds dans mes pensées écrasées par le souvenir. J’en retrouve un rue des Cordeliers dans un haut bleu et sans rouge à lèvres. Elle me sourit et fais de même. Maintenant je baise ton cou parfumé de sueur et de fraise et tu tends au mieux tes petits seins. Tu les tends à te casser le dos. J’ai perdu une main dans tes cheveux blonds. L’autre glisse dans ton ventre. Les rues ne sont que frustration. Un labyrinthe inextricable de possibilités évanouies dans la seconde où on les envisage. Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté dont le regard m’a fait d’un coup tout déchargé, ne te verrai-je que dans l’éternité ?

 

 

               Seize heures douze.

 

               Rue Jacques de la Roque.

 

               Café Le Gaulois. Caché par la cathédrale je t’écris ces vers sur lesquels tu pourras lire mon regret de ne pas te connaître. Ma Galathée faite de soupirs et de pleurs. Je me console de ton existence et désespère de ton absence. C’est toi qui m’embrasses, les yeux, la bouche, l’épaule, le ventre et… le voile de tes cheveux roux dissimule la faiblesse de l’homme. Devant, la petite place se remplit, se vide, se remplit, au rythme des pulsations de mon cœur quand tu montes sur moi. Le disque jaune du mois de mai, seul, inonde de sa clarté nos doigts enlacés comme un travail d’entrelacs.

 

Dix-neuf heures vingt-six.

 

               Place Richelme.

 

               Tout n’est que mouvement calme. La ville revêt sa jupe du soir. Soirée d’été qu’une bise anime d’une caresse. Les corps reposent de leur jouissance.  Les cendres rougissantes des cigarettes sont comme mille petits points lumineux d’extase. Le rouge des vieilles a coulé par trop d’efforts. Tu me laisses déjà, trempé de toi, nu sous les jeunes étoiles.

 

              

               Alors que le soleil dans un dernier orgasme décline derrière la Sainte-Victoire, je meurs de tes yeux.     

 

 

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