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Tom de Pekin et nous devant un beau panel de cartes postales.

Entrevue avec Tom de Pekin 

Il est dans le top des contributeurs avec deux participations en trois numéros. Un bosseur-né : travailleur mais pas crâneur, classe mais pas ostentatoire, il nous fallait donc vous le présenter plus en profondeur et par la même le rencontrer, enfin. Rencard pris dans un PMU du fin fond de Lille juste avant le vernissage de l’expo Promesses?!.

Han Han : Bonjour Tom De Pekin, peux-tu nous raconter ton dernier rêve érotique ?

Tom de Pekin : Ça se passait à la montagne, dans un chalet, avec une peau d’ours au sol. C’était hyper sympa. J’ai pas souvenir d'avec qui c’était, par contre je me souviens qu’il y avait une odeur de fondue savoyarde.

 

Han Han : Que signifie Han Han pour toi ?

Tom de Pekin : Et bien, c’est un magazine de djeuns, qui aiment bien la chaleur à l’intérieur.

 

Han Han : Dans tes contributions au magazine, on remarque des oppositions couleurs/noir&blanc. Des couleurs vives, joyeuses, naïves. A quoi te réfères-tu ? Est-ce l’érotisme acceptable en société ou une part vivace de tes fantasmes ?

Tom de Pekin : Je pense que c’est vraiment en référence à la jeunesse, enfin à l’enfance, aux albums de coloriage, toutes ces choses-là. C’est un peu notre culture commune de l’image.

Han Han : Dans tes pièces en noir&blanc, la soumission et à fortiori la domination, l’idée d’objets et de sujets sexuels ainsi que la nature deviennent omniprésentes. Est-ce ton côté obscur ?

Tom de Pekin : Ouais, je pense. Ça raconte un peu ça. Je suis aussi beaucoup parti de photos anciennes, des années 20-30. Il y a tout un rapport à la nudité et à la nature, surtout au niveau des soldats, parce qu’en fait quand les soldats partaient, ils étaient forcément liés à la nature et il y avait forcément ces moments où il fallait qu’ils se lavent. Ils enlèvent leurs vêtements et se baignent dans les lacs, et c’est un moment assez beau ; c’est l’instant bourreau/victime, l’instant où ils ne sont plus du tout manipulés par l’Histoire, ils sont juste là, pris dans un moment suspendu en pleine nature, et ils peuvent respirer. Et je trouve que ces images-là retranscrivent ces moments précieux. J’ai utilisé ces images et le moyen de les rassembler c’était de leur mettre une cagoule, afin de dire qu’ils n’étaient pas là par hasard. Et du coup d’ajouter une forme de sexualité.

​Han Han : Justement, Cagoule : Fantasme ou Réalité ?

Tom de Pekin : La cagoule c’est marrant car ça fait référence à plein de choses. Ça fait référence au politique, le côté militant, et en même temps y a cette réappropriation dans la sexualité comme un exutoire : T'en as rien à foutre, tu peux te lâcher. Le visage n’est plus apparent, et du coup tout est axé sur l’action et le corps. Je pense que les réactions sont masquées. Ça mène au fantasme, mais la cagoule c’est plus qu’un fantasme. La cagoule, c’est aussi le banditisme, l’illégalité, alors si tu penses fantasme, ça doit inclure toute la dimension sociale qui en découle. C’est pas juste se cacher le visage.

Han Han : Tu as passé du temps à Pékin, faisais-tu déjà de l’art gay ? As-tu remarqué une différence d’appréciation entre les publics français et chinois ?

Tom de Pekin : Je ne fais pas de l’art gay, mais de l’art communautaire, parce que dedans je relie tous les genres qui sont discriminés, ça peut du coup être les pédés, les gouines, les trans, les travelos. Et c'est à destination de toute personne qui peut se retrouver dans cet univers, quel que soit sa sexualité. Après, je me revendique aussi comme artiste pédé, y a pas de problème. Pour ce qui est de Pékin, c’était une période un peu particulière, ça a commencé en 1993 et on a terminé en 2000. J’avais une maison d’édition avec un autre artiste qui s’appelle Guillaume Dégé, il voulait à tout prix retourner en Chine et l’idée c’était de créer une maison d’édition à Pékin, de faire travailler des personnes du texte et de l’image et d’imprimer les livres sur place en utilisant des techniques traditionnelles. On avait envie de renouer avec une tradition du XIXème siècle où t’avais des gens, comme Victor Segalen, qui liaient le voyage et la tradition. Aller dans un pays et utiliser les techniques présentes, ça fait partie de l’histoire de l’art. C’était un peu fou d’être à Pékin, c’était en plein dans la période où le pays s’ouvrait au capitalisme. Lors de mon premier voyage, on remplaçait les affiches de propagande par des affiches Nike et Adidas. Ce que je trouvais très étrange, c’est qu’au niveau de la représentation du corps c’était la même chose. Du coup, en rentrant ici, je me suis demandé « Si je prends des affiches de propagandes chinoises et qu’à la place des armes je mets des sexes, qu’est-ce que ça change ? ». Mais bon, ce n’était pas du tout destiné à la Chine, tout en étant lié à cette expérience chinoise.

Han Han : Tu es reconnu en tant qu’artiste communautaire, de ce fait. Qu’est-ce que ça te procure ?

 

Tom de Pekin : En fait ce qui s’est passé, c’est que j’étais éditeur, j’avais donc tout un réseau qui était établi, et à ce moment-là la plupart des gens ne savaient pas que j’étais pédé. On ne connait pas forcément la sexualité des gens qu’on croise. Ça peut se faire, ça peut ne pas se faire, et du coup les gens étaient un peu surpris mais comme j’étais déjà intégré dans le milieu je n’ai pas eu la confrontation du sujet. Puis très vite, le réseau communautaire s’est intéressé à mon travail, j’ai bossé un peu sur des trucs de prévention, et ensuite il y a eu le réseau de l’art contemporain car des gens se sont intéressés. Ce qui me plait c’est d’être de fil en aiguille dans différents réseaux, rencontrer des gens différents et faire passer mes messages et mes idées plus facilement au plus de personnes possibles. Tout ça pour dire que je dois beaucoup à mon emploi initial d’éditeur.

Han Han : On a vu deux photos sur ton blog, est-ce juste un trip spontané ou un souhait plus profond de creuser la photographie ?

Tom de Pekin : Quoi donc? (on lui explique qu'on a vu des photos sur son blog http://tomdepekin.tumblr.com/) Ah oui ! En fait c’est juste que j’étais là, du coup j’ai pris les photos. L’histoire c’est qu’en ce moment je travaille sur un projet cinématographique, sur mon travail concernant Haldernablou. Le texte d’Alfred Jarry publié alors qu’il avait 19 ans met en scène Harldern, un noble plutôt âgé, et un jeune page, Ablou. Harldern séduit Ablou, Ablou se laisse aller, séduire et consomme et Haldern tue Ablou de façon assez violente. Le texte transpire d’une ambiguïté religieuse et catho, de par la sexualité naissante de son écrivain, et quand Jarry parle de l’apocalypse il prend l’image d’un énorme phallus qui détruit la ville. Pour revenir à ces photos, le texte était écrit un peu sous la forme d’une pièce de théâtre, et une fois mon travail d’illustration accompli, j’aime bien voir comment je pourrais réutiliser ça sous forme de vidéo ou de performance. Là je le voyais mal en théâtre. Je me suis dit en revanche que ça pouvait être pas mal de travailler avec des chorégraphes, donc sur ce projet qui sera divisé en six, je fais intervenir des chorégraphes différents et je leur demande d’interpréter les textes et les images. Les répétitions sont toutes récentes, c’était la semaine dernière. L’idée c’est que je propose un étudiant pour jouer Ablou, j’ai trouvé Alexis, un garçon que je croise souvent au cinéma et qui fait d’ailleurs de super films, à la Jack Smith. L’idée c’est que j’ai fait ces photos car il n’y avait pas de photographe avec nous.

 

 

Travail&Procrastination par Tom de Pekin

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