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Les disques éternels

Braids – Flourish//Perish

Quoi de pire pour terminer ces vacances que cette pluie de dimanche soir. Je ferme mon vieux volet sale. La fenêtre est encore un peu entrouverte, ce n’est pas totalement la fin de l’été. Il rafraichit, l’air frais se glisse entre mes jambes. Caressant ma peau, d’une douceur infinie. Comme ce matin, tes mains qui ont déjà bien vécues, qui effleuraient doucement ma joue. Avant que tu partes. Plusieurs heures ont passé, j’ai beaucoup dormi, j’ai beaucoup rêvé. Mon seul réconfort de la soirée c’est cette voix qui se glisse jusque mes tympans, comme cet air frais. Comme tes mains ce matin. Cette beauté c’est Braids, la petite et mignonne chanteuse de Blue Hawaii, décidée à nous faire sortir toute cruauté et doutes de l’esprit avec ses musiciens à la gueule d’ange. Braids me pénètre comme une petite feuille d’arbre pleine d’eau, de petites gouttes rondes. Mouillées, pour hydrater mon cœur tout sec, depuis ton départ. Ni espoir, ni désespoir, juste le souvenir du gout de tes lèvres.  Perish // Flourish. L’album d’aventures, l’album qui rendrait toute force aux débuts des pénombres. Me réconforte, me caresse, m’hydrate. Dis, tu reviens bientôt ? SA

Oneohtrix Point Never – R Plus Seven

Je vais maintenant vous parler d’un truc dont je n’ai parlé qu’à une poignée d’amis, et encore très mal. Vous faites déjà partie de la fratrie. Il y’a quelques mois, au travail, j’ai été étonné d’entendre une voix me murmurer que c’était une honte que personne ne daigne faire de films érotiques contemporains. Ça m’a fait de la peine. J’imaginais une BO vraiment cool, tout ce qui se fait de mieux en créations électroniques. Et érotique, pas uniquement pour ses corps nus, son scénario mystérieux ponctué de scène de cul bien photographiées, mais justement pour son univers qui te pénètre en profondeur et t’imprègne longtemps d’une puissante sensation moite. Même que le film sortirait en salle, et que tout le monde irait le voir. En réaction, Je commençai à écrire, ce que j’appelle un premier roman. Un truc qui donnerait lieu, pensai-je en schématisant tout en discutant avec des donneurs de sang (ça c’était mon job), à un film. Aujourd’hui, à la maison, je suis étonné d’entendre un album-murmure qui me met dans un état extatique latent, j’ai appuyé sur pause. C’est minimaliste, c’est essentiel. La BO parfaite de mon histoire : Nous suivons deux protagonistes dans un futur proche, une femme, et un jeune homme. Ils travaillent sur le même site, ils se voient sans vraiment se rencontrer. Le monde a changé mais ressemble vachement au nôtre. On y a réchappé au Sida, décimé par une superstar de la science qui prend le train comme tout le monde. Il y’a aussi des terroristes. Ou juste un seul terroriste. Le garçon qu’on suit se masturbe tout le temps sans jamais jouir, et la femme, elle a beaucoup de pulsions et elle est belle, faut croire, donc elle nique souvent. Je ne sais pas ce que ça donnera, même si je crois terriblement en mon histoire. Je pense surtout que je vous raconte cette littéraire aventure car c’est chouette d’imaginer, de faire des fanzines, des bande-dessinées, de la photographie, des courts-métrages, et même de la musique, juste pour le plaisir de créer. Ça donne un second souffle à la vie. Et c’est sûrement le seul conseil que je puisse donner à un être humain. CL

Outfit – Performance

Performance. Ecoutons-le, en se levant, les yeux encore tous fatigués mais impatient d’être ouverts tout le jour pour assouvir nos curiosités. Nos soirées tamisées vont bientôt revenir. Je n’espère pas trop qu’il aille déjà neiger. Juste, que les gens s’aiment et parlent sincèrement de choses sincères, autour de nous. House On Fire ne me fait pas tant penser que ça à Caribou ou Nicolas Jaar. C’est un morceau exprès pour, bientôt, les soirées tamisées pas enneigées. Mes grandes chaussettes sont bien montées au-dessus du genou et je détache mes cheveux pour avoir chaud au cou. La rentrée est passée. Cette année on aimerait encore plus d’authenticité. Même si je trouve l’écriture de ce mot un peu chiante, la définition pourrait très bien se lire sur un nouveau morceau d’Outfit. Lu et relu, comme un appel à une résistance ni bobo ni trop engagée. Un petit pull décoloré et aucun préjugé. Les gens sont jolis quand ils écoutent Outfit. Je suis attendrie. L’automne c’est tendre, quand on peut mettre très fort le nom d’un groupe difficile à trouver. Andrew a une jolie voix, on dirait qu’il a presque mon âge. Je ne suis plus la plus jeune du monde. S’il est plus vieux, je lui pardonnerais. Mais pas sûr que je l’invite à une de nos soirées tamisées. Il faudrait que l’on se promette de jolies choses à partager.  SA

Washed Out – Paracosm

Je sens que tout s’efface, que plus rien ne compte, quand Dennis Hopper à bord d’un bulldozer défonce une bâtisse dans Out Of The Blue. Les films sont autant de mondes imaginaires qu’on décloisonne, qu’on bouquine en restant assis comme une pieuse serpillière sur le canapé qui attend qu’on s’en serve. Certes, il y’a la soif qui monte. Le besoin de boisson, d’ivresse impossible, la tête tourne parfois. Et les 24 images secondes, le rythme langoureux de la chillwave de Washed Out. Se faire brûler la rétine par un David Lynch comme par un coucher de soleil aux Baléares. Suis-je censé regarder, fermer les yeux ou garder les yeux mi-clos ? Même si un coup de stress, une frayeur soudaine ne vous épargnera pas un quelconque malaise, vous pourrez toujours vous asseoir sur cette somptueuse tapisserie. Arrosez-la chaque jour, mettez-lui un doigt, trempez-le dans la colle, et attachez-vous y comme à une licorne dans un champ tout vert surplombé d’un fabuleux plafond marin. On a tous vachement besoin de se rassurer quand l’automne approche. On a tous besoin de cette cascade de notes qui filent du ciel, zigzaguent depuis nos potes puis vrillent autour de nous à 200 kilomètres heure faisant tourbillonner nos cheveux par-dessus nos têtes, et quand tout se termine, on est là, avec nos nattes, on se regarde, on rit, on est des gosses. CL

Crystal Stilts – Nature Noir

Ni sombre, ni délicat. Moins dur qu’avant, plus accessible maintenant. Les fesses à moitié découvertes sur le canapé doux en daim de ma voisine, j’ose espérer que cet album au joli nom Nature Noir m’aidera à passer le cap. Chocolat au lait entre les dents, le vernis écaillé et les cernes grisâtres. Je vis cette écoute d’album comme un nouveau départ. Mon esprit est déjà rentré dans ma ville, innatale, mais ma ville quand même. Des images de rochers et de vagues, les sensations de vent qui font pleurer les yeux. Sans vent. Tu pars pendant une semaine mon indie boy et me voilà perdue comme sur un palmier. Il y a deux portes sur ce palier. Comme je ne savais pas choisir, je suis entrée chez la voisine. Mon insage. Je t’attends chez elle, avec des idées oranges-marrons. Je rêve d’inmariage avec toi. Sur star crawl, tu pourras embrasser mes doigts au vernis écaillé. On serait dans un paysage noir et blanc, mais le sol serait en moquette. Le vin serait du jus au citron vert que tu détestes tant. Ni sombre, ni délicat, l’album Nature Noir ne me convainc pas encore. On n’a bientôt plus d’été, on passe à autre chose, encore. Ni sombre, ni délicat, il faut le temps au temps.  SA

Holograms – Forever

L’éternité se voile d’un apparat de hooligan. C’est toi la plus forte, sans avoir mes pattes désinvoltes, mon laxisme trompe-le-monde. Pas toi, qui sais qui je suis, quel fainéant je fais, et m’admires en connaissant mes à-côtés. Mes épaules de désaxé. Pogo, tu sautes sur un pied pendant que je saute sur l’autre, tu cris, tu dis que j’empiète. J’aspire les miettes de notre petit déjeuner, ça m’inspire qu’il n’y a plus d’hiver. Pied au cul, I’m So Tired, je suis tellement fatigué que tu me réveilles pour la toute dernière fois. Je te regarde filer en pensant que tu es vêtue comme une écolière. Je t’écris pour te demander si tu étais déguisée. Les gens se déguisent pour voir leurs amants, parfois. C’est très fantasmatique, parait. Les garçons forts avec les petites ingénues, les filles intelligentes avec les imbéciles dans mon genre. Je m’accroche à la montagne, puis je décroche, je suis à la plage tu me fais chier. Le monde va vite, on le regarde passer. On regrette certaines fleurs qu’on a arrachées parce qu’elles étaient belles, alors qu’elles ne l’étaient qu’au fond de ce paysage. Marcher sur ton pied à un concert d’Holograms, ça nous aurait fait une belle jambe. Ça m’aurait beaucoup amusé de te rencontrer d’une façon plus fracassante, un orteil brisé, ton poing dans mon œil, du sang, des os et de la chair. Pour toujours. CL

Jef Barbara – Soft To The Touch

En talons hauts, dans une vieille baignoire à pieds. L’eau est tiède. On déteste la mousse. Ses cheveux trempent, juste aux pointes. Mais Technic Is Fun. Talons hauts aux semelles roses pales. Je n’ai pas l’esprit voyage, peut-être l’esprit volage. Nous n’entendons que lui, au loin, électronique. Appels à l’amour, j’autorise pour mille d’être embrassée par la première personne qui tombera dans notre bain. J’ai un peu mal aux seins, certainement le cœur qui n’en peut plus d’attendre. Amour, passion, tendresse, puis rien. Barbara, ma belle science-fiction, de tes yeux, tu fixes l’eau du bain comme une névrosée. J’y crois, j’ose, je trempe ma langue. Ses cheveux mouillés se collent à son dos délicat. Amour ardent, ardent. Je t’aime, mais je déteste la mousse. Belle femme aux cheveux mouillés. Tes petits os me donnent mal à la tête. J’attends d’être aimée de toi comme tu n’as jamais autant aimé. Puis rien. L’eau commence à être froide, j’ai encore un peu mal. Tes talons me blessent les bras, change de place avec moi. Barbara, ma belle science-fiction, tu t’éloignes de mes idéaux, écoute cet album avec moi. Une fois, deux fois, puis rien. Je retire le bouchon, l’eau s’écoule dans les terribles égouts. Attendons-nous demain soir pour laver l’idée d’aimer.  SA

Superhumanoids – Exhibitionnists

En fin de compte, c’était un peu dur de faire l’impasse sur ce groupe au nom si proche de Spermatozoïdes qui dédie son album, autrement dit l’ensemble de son œuvre, aux exhibitionnistes. Et puisque je fais une vraie fixette sur le cinéma, et plus largement sur l’objet vidéo, ne peut-on pas dire que les acteurs en sont les pires ? Les artistes vivants en fait, qui se donnent à voir, on pénètre leur vie à travers les mimiques de leur visage. Certes, ils jouent la comédie, sont des personnages, sont des artistes, mais ils ne sont pas que ce qu’ils prétendent être, et ça on est bien tous assez cons pour le croire. Cons et bites d’ailleurs. D’ailleurs est-ce que Dickhead est la vraie anti misogynie de con ? Je compte sur vous pour m’éclairer. Sur Superhumanoids aussi. Leur disque commence par un « Salut Veuve Noire ». On peut croire que ce n’est pas commencer sous les meilleurs auspices. En fait, y’a du mouron à se faire. Surtout quand on se dit que l’album est mauvais, et qu’on le réécoute, puis qu’on saute de joie en voyant la capacité qu’a le band à bâtir la pop aérée et bonasse qu’auraient pu bâtir Silly Kissers s’ils ne nous avaient pas trahis. C’est la musique qui donne envie de se payer un peu de bon temps  dans un avion, un petit avion de ceux qu’on peut voir dans tous les aérodromes. J’ai vraiment plein de souvenirs de l’aérodrome d’Abbeville, c’est là-bas que j’ai volé pour la première fois, et mon papy y tenait un musée de l’aviation. L’horizon bleu ciel, la baie de la Somme, la vase grise. S’envoler revient à s’enfoncer dans l’air ; s’enfoncer dans les sables mouvants de la côte d’opale, c’est s’envoler. CL

SA = Steiger Amandine

CL = Charly Lazer

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