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le soleil t'a aveuglé et tu es peut-être passé à côté de ces disques

Beach House – Depression Cherry

Tu avais loué une étrange bâtisse dans les hauteurs d'où on apercevait les bateaux de pêche voguer à tâtons. Puis le soleil de tout son long aligné avec les astres, tu regardais ce qu'il restait de la blanche lune dans l'azur céleste. Tu faisais une sorte d'analogie avec les débris, les déchets, les gravats d'une planète qui avait disparu et à laquelle tu étais attaché. Puis les premières jeunes filles aux cheveux longs, dociles et légères comme des branches caressées par le vent qui dansent, arrivaient, s'asseyaient, ôtaient leurs vêtements, les pliaient, les déposaient. Elles se massaient les unes les autres en se contant, à l'instar des oiseaux au-dessus de toi, leurs amourettes, pourtant échouées aussi non loin de là. Le soleil avait quitté le zénith et chacun d'eux s'était envolé ; tous partis se bécoter, il ne restait que toi, la chaleur et un verre d'eau gelé. Sur la plage tu t'asseyais à ton tour où les jeunes gens s'étaient dorés. Il y avait un mégot que tu prenais en bouche, avant que tu remarques une trace de rouge à lèvres, comme des pulpes d'orange sanguine. Tes fesses s'enfonçaient dans le sable. Tu n'avais que vingt huit ans mais c'était comme si tu en avais eu quatre vingt huit, ou que tu ne fusses pas encore né. La musique était si belle à t'en évanouir en espérant qu'une jeune sirène revienne, te siffler dans la bouche. (CL)

Destroyer – Poison Season

Molly est parée de sa robe du soir couleur chair ; une rose en coton de satin au poignet. Au 7e étage, entre la 42e et Broadway, Times Square. Moquette, parquet et lumière tamisée. L’orchestre envoûte. Elle a les cheveux tirés et la nuque fragile. Ses épaules à moitié découvertes se balancent au rythme de ses hanches. On avance - elle lascivement - entre des corps unis. Des profs sont là. Mlle Hugues s’est peint les ongles et la bouche, Mr Mailer ajuste sa cravate nerveusement. Leurs joues sont roses, leurs regards fixent des bouches entrouvertes pleines de désirs. La piste est pleine. Des hanches sont enlacées, des têtes tressées sont posées sur des épaules carrées, des bouches s’emmêlent. Molly a les lèvres humides de champagne et les yeux qui pétillent. Sa robe dévoile la naissance de ses seins fermes, une mèche égarée lui recouvre le front pailleté. Le piano et le saxo sont fantastiques. Les percus démoniaques. Les pieds martèlent la piste. Dehors il est minuit et la pluie tombe. Dehors des M géants crachent leur venin. Du plasma coule sur l’avenue. Mes mains agrippent ses fesses, nos corps sont lovés l’un contre l’autre, son haleine est chaude et chargée. Ses yeux plus profonds que l’enfer, sa bouche est un poison.

Le grand Cyrus a quitté Bangkok, il est temps de se dérober. (G)

Triptides – Azur

En maillot de bain sur une vieille mobylette, la seule importance de cette journée est d’arriver à temps à la mer. Ton odeur d’iode est sereine, on peut la suivre pour y être le plus vite possible. C’est un peu ce que je ressens en écoutant « Wake ». Je te vois au loin ! Tes vagues agressives excitent les surfeurs, ils boivent tes tasses d’eau salée et se cognent sur leurs planches abimées. Des petites barques blanches à la peinture écaillées, avec des rames marron clair, tanguent et tanguent, vers le « Dark Side ». Je continue mon chemin, ma mobylette s’enfonce dans le sable moite et collant, je cherche des yeux mon bel amoureux, « Too Far Gone ». Au loin, il est là ! Il étire de ses petites fesses musclées, son slip orange un peu trop serré. Je lâche ma mobylette, plus rien ne compte, ma seule envie est de courir vers toi, mer agitée. Mon gars me voit, « Not Mine » et voila, je vois qu’il pense trop fort à me retrouver. Sous ton eau qui pique les yeux, nous irons nous caresser, je te donne un peu d’amour, ta couleur Azur est jolie et réussie. (SA)

Pedro Magina – 11

Je nageais sous la surface de l'eau et une main m'agrippait la cheville. J'avais appris à retenir ma respiration comme tous les gosses dans le bain. Je tentais une réaction pour continuer d'avancer dans le blues de mon ivresse. Des bulles me caressaient les lobes et mes bras se désarticulaient. Si j'eus été un lion on eut pu dire que je rugissais. Mais je n'étais qu'un pauvre sushi dans ta bouche. Je sentais cette onde gelée me traverser le corps, cet arc électrique me découper en deux morceaux, le courant de la marée me rejeter. M'expulsant de l'eau pour me faire voler vers les nuages de prédication, tu refusais de me faire face. Je sentais l'eau devenir sel et une traînée de poussière se noyait devant moi dans des vagues brillantes comme d'amers souvenirs. Plus je m'approchais de la stratosphère, moins je voyais la beauté des divers couchers de soleil que contemplaient des amoureux échoués sur les îles alentour. Dans ma longue ascension, j'essayais de me souvenir de tout, et bien entendu peu d'images me venaient à l'esprit. J'étais perplexe. Fébrile, au fur et à fur mesure que l'air s'amenuisait, et que l'eau me manquait, j'avais froid, je tremblais. Je caressais mon palais avec ma langue. Je crachais. Une petite trace sur ta jupe me survivrait. (CL)

Claude Barbara – Au Supermarché

Il fallait rester attaché au caddie – pour ne pas se perdre dans les rayons. Depuis le siège prévu à cet effet on tentait de tendre le bras pour attraper la boîte aux couleurs criardes dont on ne savait pas encore lire l’étiquette de pâte pour dentier. Rayon tendresse, rayon caresse. Plus vieux, souvent on est entré avec une idée en tête, avant de se contempler une heure plus tard détaillant la notice d’utilisation des chips à la crevette maison.

Les supermarchés ne sont pas des espaces neutres. Ou si, plutôt, très neutre. Un véritable espace indépendant, la nation des supermarchés. On ne sait pas si l’album de Claude Barbara en est l’hymne, ou un pamphlet. Un encyclopédique peut-être, mais jusqu’ici ça n’est pas la musique qu’on peut y entendre. Au supermarché. (BB)

Luxury Elite – World Class

Petite musique érotique et passionnée. Sensualité World Class. Je me sens revivre dans les années 70. Mes cheveux seraient ondulés et j’aurais un brushing sauvage qui attire l’attention. J’y compterais bien, paillettes et monoï, me déplaçant comme une tigresse sexy. Les hommes n'oseraient pas m’aborder. Sous mon tailleur léopard bien moulé, sur Parkway de Luxury Elite et sa chaleur, je ferais exprès de mettre un string flashy catchy pour que les yeux descendent sur mon cul. Deux petites pêches bien remontées, bien douces et bien appétissantes. Faux-prédateur, tu rêverais de pouvoir les toucher, avec les dents, même plus si affinité. Femme fatale inaccessible, j’avancerais vers mes proies et les alimenterais en belles illusions. Poitrine sucrée, ils souhaiteraient tellement y frotter leurs sexes fermes. Lèvres mouillées et ongles affinés, je pourrais déchirer les chemises à motif de mes victimes et les lacérer. Je frotterais mes petits seins contre leurs torses moites au rythme de la piste cinq, To Bruce, suscitant le fantasme. Dans l’attente de copuler, fortement excités par la belle créature que je serais, ils jouiraient avant même de me peloter. Ce serait sensuel mais cruel, seuls les animaux intelligents sont au courant que femme fatale ment. (SA)

French Synth Lovers #2

« On a tous quelqu’un dans notre entourage qui a secrètement sorti un disque dans les années 80 » disait l’autre. Aujourd’hui, combien de garagistes, de contrôleurs fiscaux étaient autrefois des compositeurs prometteurs et sont aujourd’hui passés à autre chose ? Mieux, demandons nous : parmi les gens que l’on adule aujourd’hui pour un titre sorti sur YouTube, un maxi sur un obscur label, combien suivront cette trajectoire ? Quand nos petits enfants reprendront en faveur les formats que nos enfants auront délaissés, qui exhumera-t-on ? Pour qui, grâce à quelles cassettes ou à quels vinyls repêchés aux hasards de la vie se passionnera-t-on ? Surtout ; quels titres seront extraits de vieilles pages soundcloud, bandcamp, myspace ; de cet internet dont on se souviendra avec nostalgie ?

Serendip Lab déterre les trésors d’hier et d’aujourd’hui. C’est déjà beaucoup. (BB)

Ces chroniques de disques ont été écrites passionnément par Benjamin Boris, Steiger Amandine, Gustave et Charly Lazer

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