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Future Islands – Singles

 

Elle s’appelait Agnès. Son prénom est resté mais elle était la première. Elle ouvrit les yeux dans un village dont aucun ne se souvient du nom. Il y pleut encore à l’heure où je prends la parole, c’était aussi le cas le jour de sa naissance. Le soleil brillait là-haut et des arcs-en-ciel coulaient des yeux d’une mère, souffrante comme l’ânesse rouée de coups à quelques encablures de la cheminée. De mémoire de louve, aucun jour ne fut jamais aussi bruyant ici-bas. La même louve se transforma en fantôme comme la commune qui avait vu grandir Agnès, sa chevelure raide pousser jusqu’à la cambrure, devenir une jeune femme désirable. Plus d’un homme en route pour Compostelle qui se perdit ici la tête perdit aussi. Un puceau qui avait perdu queue mystérieusement s’était ordonné grand protecteur et se fit étrangler une nuit. Dès lors, les hommes craintifs tenant leurs bijoux dans leurs mains, elle erra seule. Ses parents l’avaient élevée d’amour, probable que Jésus n’en eut pas tant ses jeunes années durant, pourtant certains cul-terreux n’hésitèrent pas à déclarer que c’était coup sûr la raison qui les avait fait finir par-delà les nuages sur les genoux du Père. Un homme mûr frappa un jour gris sur la porte lourde qui l’enfermait. Pour une fois elle ouvrit et l’accueillit aussitôt. Ils burent le thé et firent l’amour dix fois. Quand il sortit pour reprendre ses affaires, il devint bouc émissaire de mille sortes de crimes et larcins. La loi n’abondait guère en son sens et il fut pendu en public. Agnès chez elle endormie. Une grosse dame, et pour cause elle attendait une tripotée, s’avança et jeta un animal mort contre la fenêtre qui en explosant permit au macchabé puant d’atteindre les jambes divines d’Agnès. Sursautant elle se réveilla et comprit sur le coup. Elle sortait de chez elle à l’aurore du jour quand l’été venait et courait jusqu’au lac duquel elle se couvrait pour regarder le soleil levant. Elle était ivre. On aurait dit une montgolfière de bienveillance. Agnès était la première fan de Future Islands, son ivresse émotionnelle comparable à une écoute de Singles. C’est comme boire et au lieu de tout verser directement dans le gosier, en laisser trainer un peu sur les lèvres pour en garder longtemps. (CL)

Wild Beasts – Present Tense

 

Une vague d’amour « pulsionnante » de ma mâchoire jusqu’aux genoux. Je respire, je peux enfin dégager ces sensations. Putain, grâce à toi Present Tense. Je t’attendais tellement, crois moi, j’en devenais obsédée. Une Impatience bien cruelle. Tu ne comprenais pas pourquoi je te désirais tant ? Ça me parait simple et lucide. Jour après jour, mon être s’est imprégné de toi, un besoin de recherche d’âme et chair : la tienne. Rien d’autre. Tu représentes parfaitement cette tendresse et magnifique spirituelle. Encore plus que la folie dans ton regard quand tu t’apprêtes à manger toutes mes lèvres. Te faire l’amour n’est pas une envie, mais une nécessité. Pas la peine d’enlever tous mes vêtements Present Tense, c’est bien trop long… Mords-moi fort dans le cou et tire ma longue tignasse de toutes tes forces. C’est cela qui m’importe. Redessine mes traits, dépêche-toi de calmer mon impulsivité. 11 morceaux que je sens passer entre mes dents, j’ai cru qu’une telle sensation ne reviendrait jamais; après Smother, en 2011. Tu t’es laissée désirer beauté fatale, tu as essayé de me résister, toi, musclé.

Aujourd’hui, tu regretteras de m’avoir possédé ces quelques fois ? Non. On est épris tous les deux maintenant, dans ce même tourbillon spontané.

Je n’ai pas besoin de vieillir, une petite voix me le dicte tout bas, je ne me trompe pas. Tu es un bel album, une belle personne. Une mélodie délicate, douceur sensuelle, absolument indomptable. Ce n’est que toi qui animes mes pulsions, pour une éternité, je suis avec toi ma bête sauvage. (SA)

Cloud Nothings – Here And Nowhere Else

 

Une 7ème tentative sur le week-end et toujours répondeur, tu t'aperçois vaguement juste avant téléfoot que tu vas passer ton dimanche soir tout seul. Tu as prêté ta PS3 à ton petit frère. Un sms : un chat mort t'invite à boire un café sur Wazemmes. Tu n'as pas la tête à ça. Tu hésites entre deux choses : aller sur xnxx catégorie gng bng ou écouter le dernier Cloud Nothings. Tu optes pour la seconde solution alors que ta guimauve commençait vaguement à vouloir prendre l'air au-dehors de ton slip kangourou. Puis tu t'arraches ton slip, mets le volume à fond, lances le CD et participe au concert d'air guitar le plus privé du monde : par bonheur, la lecture aléatoire t'envoie sur Psychic Trauma. Tu sautes sur le matelas. Tu défonces les coussins sur I'm Not a Part Of Me. Tu montes sur le bureau sur No Thoughts. Puis ton téléphone sonne : tout va bien, c'est ta copine. Elle te demande si tu regardes téléfoot. (FV)

Mac Demarco – Salad Days

 

Le blue boy est un rebelle. Un rebelle romantique, mais un indie rebelle quand même. Il court dans le désert aux arbres secs et à la terre toute marron. Je me lance dans son univers de tigresses, en culotte trop serrée, qui me coupe la circulation de la fesse gauche. J’ai envie de me rouler dans le sable tout sale. Je le fais alors, je n’ai pas peur, ou juste d’être griffée un peu. J’ai la peau blanche, je marque vite. C’est pour ça que j’ai été très vite amadouée par toi Mac, par un rituel sacré. Tu m’as marqué au fer rouillé et tu as déjà sorti ton nouvel album. Cependant, c’n’est jamais trop tôt avec toi. Ta voix me fait penser à des cris d’hyènes, on retourne dans ce champ aride. Tu appelles tes frères. Mais nous les tigresses, en culottes étroites, où doit-on aller ? Je n’ai aucune idée d’où ta voix va me mener, alors je veux bien rester là, les cheveux sales. Ou là, allongée sur cet amas de terre. Les hyènes viendront me manger, tendrement, sur Salad Days, et je me consumerai seule sous le soleil ardent, les poils en pagaille, la peau irritée, les muscles saignants et les crocs abimés. Pour Chamber Of Reflection, qui ferait de l’écho sur toute la superficie, ça me dérange pas. Je peux revenir, sous une autre forme, comme toi, et moins fragile la prochaine fois. (SA)

Shit Robot - We Got A Love

 

Pour ton concours de T-shirts mouillés de samedi prochain, tu es angoissé. Tu avais enjaillé deux potes djs, les deux t'ont planté misérablement à vingt quatre heures de l'échéance. Effroi et damnation, jusqu'à ce que tu reçoives un coup de fil de ton vieux pote qui te conseilles le dernier Shit Robot. Ah oui t'es sûr ? demandes-tu. Affirmatif, répond le second. Par exemple, l'excellent Do That Dance, avec Nancy Whang en featuring, te permettra de surmotiver tes troupes à l'approche du podium. Mouais... Mais si renchérit ton pote. De la bonne house anglaise dans un style un peu Chicken Lips avec une bonne dose d'humour sauce Benny Hill, quoi de mieux. Ecoute par exemple The Secret : cette électro à 116 bites par minute dodelinante et rebondissante qui fera monter le suspense jusqu'à l'heure fatidique... Tu te dis : pourquoi pas. Ton pote finit de t'achever : Dingbat est le single parfait pour faire monter la sauce des 80A aux 95C, option mystère. Tout paraît lumineux lorsque tu achètes légalement Space Race, ça y est, tu visualises Wanda en pleine action et tu sais intimement que tu viens de trouver la solution pour demain. En plus, tu viens de trouver un slogan pour cet après-midi : We Got A Love, comme le track 8 de l'album ! Oh, Shit Robot, je dépose un soutien-georges à tes pieds. Love (FV)

Tycho – Awake

 

Quand je me lève, le soleil est déjà là. Je glisse le store dans sa niche et m’éblouis. A chaque fois. Ils me grattent le haut du crâne, puis je porte mes doigts à mon nez, j’ai envie d’oranges pressées. Descendant de ma chambre, j’allume la chaîne hifi au bout du RCA. Awake de Tycho, un album qui réveillera toutes les émotions du jour, et des souvenirs tels qu’une nuit blanche terminée en hamac dans un jardin de riches à écouter la fille de ma vie avec un autre au fond d’une tente, pas loin, plantée. Le souvenir aussi, de course dans le jardin de mamie et papy, avec les cousins, après les œufs. C’est si clair que je ne sais pas si ça a déjà existé. La bouche pleine de chocolat je grimace à ma cousine en riant, j’ai une toute petite tête au bol. Je suis là, presque allongé, presque assis, avec mes oranges pressées dans une main et mes bijoux de famille dans l’autre que je lâche pour envoyer un texto à Sarah, oui appelons-la Sarah, un beau prénom. Je lui dis que je voudrais un jardin, elle travaille, je lui demande de passer, elle dit oui, je me dis que c’est un jour pas possible. Elle arrive, le disque se termine inlassablement. C’est bizarre mais cette dématérialisation de la musique me donne la vive impression de m’y submerger, comme quand un avion entre dans un nuage, c’est peut-être que je me fais vieux pour un jeune. Les yeux pas bien ouverts que je gratte pour me prouver que je suis près, près de quoi ? Prêt à faire l’amour à Sarah. (CL)

Actress – Ghettoville

 

Sur le site Internet de Ninja Tunes, à la page dédiée au Ghettoville de Actress, on peut lire : "The machines have turned to stone, data reads like an obituary to its user. A fix is no longer a release, it's a brittle curse. Zero satisfaction, no teeth, pseudo artists running rampant, but the path continues. R.I.P Music 2014.". Le propos n'est pas volontairement chaleureux, et, d'ailleurs, ne vous attendez pas à un accueil chaleureux non plus : Forgiven délivre en apéritif pour 7 minutes 22 d'électro-dowtempo darkissime à souhait, comme si tu entrais à 5h du mat' dans une usine où tout fonctionne au ralenti, humains compris. A priori, donc, rien de chatoyant sur cet LP, du moins en apparence. Bien sûr, si tu taffes à l'usine, tu n'auras aucune envie de replonger dans ces sonorités métalliques fleurant bon la révolution industrielle. Quoique. L'essentiel du travail prodigieux d'Actress consiste en un travail minutieux des sonorités industrielles, les rendant le plus organique possible, rendant flou à souhait la frontière entre l'humain et le règne minéral. Sonorités industrielles telles celles qu'utilisaient à la base les Depeche Mode de, par exemple, Some Great Reward (People are people, Master and Servant…). Le son dégage une forme de pesanteur légèrement anxiogène. Toutefois, Actress sait quitter ces atmosphères pour aller vers quelque chose de plus ludique : Towers, en mode dub déglingué. Ou Time. Mais surtout le bien dénommé Our, sublime de lumière dans la pénombre. Il n'y a aucun doute sur le fait que Actress nous raconte quelque chose sur toute la longueur de l'album, jouant sur les contrastes et les perspectives. Mais cette lumière n'est pas une lumière de joie : c'est une lumière uniforme, méditative, réflexive et sans chaleur. "Zero satisfaction, no teeth, pseudo artists running rampant, but the path continues" : Actress définit les contours d'une humanité à venir au moyen d'une ambient grasse, poisseuse et morbide. Si je pouvais comparer cet LP à un livre, je le comparerais au Malaise dans la civilisation de Freud. En plus sombre. (FV))

CL = Charly Lazer

SA = Steiger Amandine

FV = Frédéric Vio'o

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