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Arca - Arca
Quand on pense que les vêtements c'était pour se protéger du froid, des morsures, des objets qui pouvaient nous abîmer la peau. La nudité est le seul truc naturel qu'il nous reste. En pleine canicule vivons nus. Les vêtements protègent aussi du chaud du soleil qui s'abat sur nous suants. La face d'un chien qui bave et montre les crocs descend du ciel. Des enfants jouent avec du sable. La désolation a trouvé son dieu vivant. Le classique du futur. Je voudrais être de ces peuples qui ne connaissent pas demain, ni hier, les prisonniers du présent. Des écorchés. Quand les larmes survivront aux lacs et aux mers. Si t'arrêtes de croire en tes rêves ils disparaissent. Quand les larmes couleront des squelettes. J'ai été un enfant c'est terrifiant. Moi aussi j'ai plongé dans la sève. Noyade comme seul, salut à l'existence, des transformations de mon imagination, ma responsabilité et ma liberté, je l'ai oubliée dans un panier d'osier semblable à un nid où des femmes pêchent leurs désirs. Je me sens pousser un bec, ma bouche stricte déflorée dans une médiathèque.  (CL)

Nothinge – Play Dead 
J’aime pas le fils du maire. Ni le nouveau shérif d’ailleurs. Tout le monde dans le coin sait bien que je ne marche pas vraiment droit. Debout, les épaules en arrière, face à l’horizon et ses frontières, j’observe les virevoltants. Le soleil carnassier vient caresser mon cuir vicié. Quelques gouttes de sueur s’évaporent de mon corps encore fumant avant même de venir mordre la poussière, cette étendue avide de capillarité. Et dans ces moments las, c’est sur mes cuisses encore tremblantes que j’aime tapoter doucement ce rythme incandescent. A ce qu’il parait, pour sauver sa vie, le lézard est capable de sacrifier sa propre queue. Moi je suis un homme au fond. Les yeux injectés d’un sang-froid, elle m’a quitté hier et j’ai pleuré quand même. Qu’importe, demain j’irai danser avec la mort. On reprendra un slow sur des bouteilles sans fonds et les chiens grogneront quand mes os craqueront. Autour d’un feu lunaire je m’écroulerai dans de beaux draps noirs. Et s’il n’est pas trop tard je me caresserai l’espoir. Les poussières volent, ma vie tient dans une fiole. Je n’ai pas bu encore, j’attends qu’elles deviennent folles. Je veux l’amour, je veux la mort. Je veux qu’elle vienne me serrer fort, encore. Il faut que j’y aille maintenant tu sais. Il faut vraiment que j’y aille. (JB)

Promise Keeper - S/T
Dans le mot langueur il y a langue. Après une journée de dur labeur, j'ai écouté S/T. Plongée dans la langueur.
Je pensais que la langueur c'était cette volupté amoureuse, sensuello-lente, un peu sexy, un peu charmante. Je me suis lovée dedans. J'ai entendu le souffle de l'amoureux que l'on imagine tout près, dans notre cou, repensé à la chair de poule quand on sent son vent et sa peau effleurée. Une brume sonore, celle dont on rêve pour rafraîchir ce mois de juin.
L'air est si moite à Paris, et ça pue sur les trottoirs. Cet album aussi est moite, mais il sent bon la jungle, ses camaïeux de vert, et le ciel bleu en haut. C'est feuillu et on se demande si on va croiser quelqu'un au bout. Les cris d'un oiseau, ou ses ailes qui font des signes.
En fait, la langueur c'est aussi "un abattement physique ou moral qui se manifeste 
par un manque d'activité, d'énergie, de dynamisme : Maladie de langueur."
Je préfère me soigner avec la "mélancolie empreinte de rêverie douce et d'attendrissement amoureux". Promise Keeper, oui, s'il vous plait, vous le rendra bien.
Ma casquette de capitaine s'efface, à contre-coeur de ces notes chaleureuses, malicieuses. Elles m'entraînnent, m'engroovent, m'enroulent, une pelle. (MAM)

Night Riders – Meta 
Elle danse, robe en satin pourpre, en mangeant des raisins. Dans quelques heures, elle sera allongée sur le sol, près d'acariens. Comme c'est drôle. Je vais mourir. C'est la première fois que je ressors. Il n'y a rien qu'une ampoule, elle est rose. Toute la pièce est baignée de cette couleur. Ca me rend un peu fleur bleue. Elle vient me parler. Je lui demande le nom de son créateur, mais j'entends pas bien, on dirait un nom de polak. C'est donc à ça que ça ressemble, le stylisme cracovien. On dirait qu'elle vient d'un pays extra-terrestre, d'une planète un peu pauvre. Pourtant elle est belle. Les pauvres font de beaux vêtements car ils ne se font pas niquer comme nous autres par la dictée, ils se contentent de s'inspirer en mangeant des soupes. Le marcel qui se trémousse au-desus des platines nous joue un morceau très bien d'un groupe qui s'appelle Night Riders, ce qui nous plonge aussitôt dans une langueur transie qu'aurait pas rechignée à filmer Jodorowski. Je regarde les pantalons moulants et les jupes moins belles que robe en satin pourpre et cette dernière prend la poudre d'escampette, dans la confusion je bouscule un Giorgio Armani et un Fabio Lucci qui dansent ensemble je ne sais pourquoi. Tout va bien, elle est juste sortie fumer une blonde, j'en sors une moi aussi. La fumée s'envole, se colle à nous, ça ajoute un peu d'amertume à nos parfums. Elle m'invite à son appartement en se tenant comme un point d'interrogation. Qu'elle est grande, je pense en sentant cliqueter les pièces de monnaie qui vont bientôt sortir de moi et rouler sur sa moquette. (CL)

Bison Bisou - Bodysick
C’est une bonne fin d’après-midi d’été. Les rayons du soleil viennent chatouiller mes mollets par l’entrebâillement des volets supposés adoucir l’étouffante chaleur. Allongée par terre, je repense à mon premier amour. En fait c’était une amour. Un vinyl tourne sur la platine. Mon corps moite, en manque d’autres corps, se remémore ses premiers émois. Je suis sûre qu’on aurait aimé s’aimer sur cet album. Oh Laure ! Je nous imagine si bien dans ta chambre adolescente… Tu augmentes le volume, nos corps s’électrisent… Le mal au corps, la rage au ventre on saute dans tous les sens. Les guitares nous transpercent, les coups de batteries sont autant de headbangs. Cette voix éraillée me pénètre, la basse vibre dans ton bas-ventre… Enlacées, nous sommes en transe. 
Ca fait comme un cri qui part du cœur et qui vient me serrer la gorge. Ca prend aux tripes, mes poils s’hérissent ; la catharsis :  c'est violent et doux à la fois, comme ce désir fou que j’avais pour toi. La sueur perle sur ma peau comme un millier de tes doigts dégoulinant le long de mon corps chaud. À genoux devant mon miroir, deux doigts sur la gâchette, j’imagine que ce sont les tiens et me donne la petite mort. 
Etourdie, je resplendis. Et j’en veux encore ! (MD)

Soft Hair - Soft Hair 
Une goutte de citron pressé coule sur ma poitrine pour aller remplir mon nombril. Je me parfume d'un ou deux pshit d'audace et d'optimisme. Jealous Lies tel un héros, s'engage à me faire passer cet hiver glacial mais au vent frais d'un espoir mignon agrumatisé. J'avance, j'avance, la neige m'emmerde et l'été me semble terriblement loin. Des petites voix fruitées pour s'élancer, j'affronte mes jours encore un peu lourds pour mes fines épaules, qui d'ailleurs portent soft hair entier, pour l'emmener en bande sonore de ma démarche sincère et élancée. La peau chaude de mes pêches se refroidit en contact du vent frisson. You'll find there's never any time for babes and wine! Et c'est vrai, serrés dans l'Aluminium et vos p'tits raisins écrasés, le quotidien défile et je n'ai pas encore oublié de t'aimer. On danse ensemble SH et moi, pieds de chaussettes, mon amour m'apporte une citronnade bien sucrée pour m'hydrater. Je tangue, pas de vin dans mes veines, juste un peu d'adrénaline et un zeste de pamplemousse amer. Une nostalgie s'installe, tu te rappelles Charly de la piscine eau chaude avec Connan ? Tu étais notre tatie Chantal. Pour que l'huile essentielle fasse son effet, il aurait été encore plus pur que soft hair fasse partie de notre passé. 
Mais toujours avec cette bienveillance, nos fruits restent frais, ils rentrent dans nos vies et font partis de notre avenir joli et infini. J'ai fini mon verre, tu en voulais ? Remets play et tu peux boire cette goutte posée sur mon ventre.  (SA)

Capelo – Double Dribble 
C’est comme sucer un arlequin après avoir roulé la toute première pelle de ta vie pendant une boum en 5éme B. Elle vient de s’absenter quelques minutes avec ses copines. Je ne sais pas trop pourquoi. Moi j’ai le cœur tout chamboulé et submergé par de profondes palpitations. Et cette chaleur au fond de mon ventre... J’ai le vertige aussi. C’est acide et sucré et ça coule doucement dans ma gorge. Fabuleuses muqueuses… Je sens que j’ai une érection au fond des yeux et mon jean est vraiment trop moulant. La douce épilepsie du show laser est délicatement acidulée elle aussi. Elle rayonne doucement sur la toile de jute dans ce salon parental. Scène de chasse au cerf fluorescente. Je n’ai jamais su faire de bulles avec un chewing gum. Tiens c’est joli cette culotte rose qui dépasse de son pantalon. J’ai les mains vraiment trop moites maintenant. Je ne sais plus où les mettre. J’ai l’impression qu’on me regarde. Tu crois que nos ancêtres nous regardent lorsque l’on se masturbe ? Il ne manque plus grand-chose chose pour que cède le fil de nylon. C’est le dernier lien qui me relie encore à cette drôle de planète qui tourne sans cesse. Mes baskets sont encore toutes neuves. Qu’est-ce que ça fait au juste si j’enlève mes lunettes ? Et cette belle suspension spatiale et multicolore qui flotte au-dessus d’une vie bien trop injuste. Je l’aime cette fille avec ses yeux verts et son parfum sucré. (JB)

Suzanne Kraft – What You Get For Being Young 
Il était une fois l'histoire d'une personne que j'ai aimée silencieusement, qui vivait près et loin. Obsédée par ses vêtements et dominée par le sentiment vorace de l'auto-amour, elle ne supportait guère l'idée qu'on puisse la dresser au poteau. Il arriva que, devant poser avec sa meilleure amie, elle retira prestement son pantalon. Jugeant ce dernier moins présentable que celui que portait son autre, elle conclua qu'exhiber ses jambes délicieuses la sauverait. Et bien des garçons se branlèrent sur cette photo qui fut postée dans la minute. Est-ce que c'est ça, grandir dans une ville moyenne de France, ce pays aveuglant tous les autres? Alors que cette personne rêvait du Monde, elle ne réussit qu'à conquérir le coeur d'imbéciles heureux tournant en rond sur des motocyclettes. Les “oui amen” qu'elle entendait à longueur de journée ne creusèrent d'autre sillon que son désespoir et les conséquences de l'innocence furent mis en lumière. L'ennui la fit ouvrir les yeux, et à force de se prendre les pieds dans le tapis, elle devint quelqu'un. Des rides apparurent sur ses paupières et au-delà, elle sortit démaquillée, vêtue comme elle le voulait soit très mal certains soirs, elle n'avait plus peur de rien. Inventer l'histoire de cette personne me fit en réalité l'effet d'enfiler un caleçon propre. Le genre de caleçon que j'aime porter, qui respire bien mais pas trop long puisqu'il laisse apparaitre la bite quand on soulève la jambe. La vanité appartient jusqu'ici à tout lieu et à toute époque mais le fait de l'exposer à des inconnus curieux, ça veut dire qu'on a anéanti l'esprit rebelle de la jeunesse? A vrai dire je me sens le mieux du monde, assis au coin du lit. (CL)

Balladur – Super Bravo 
Ca commence ou ça recommence, tu ne sais pas trop: un brouhaha percute ton esprit et t’empêche de penser, et là, tu sens que mon coeur s’emballe, que quelque chose t'oppresse, peut-être cette superposition de sons de synthétiseurs plus électroniques les uns que les autres, ou alors le fait que tu refuses d’accepter cette chose, si terrible. Les premières basses te parviennent, sur un ostinato rythmico-mélodique,c’est un soulagement : “Je sais que tu mens”, tu sais enfin, tu as compris. Les mots sont posés là, avec une douce violence, tu as envie de te lever, de danser, d’hurler, de te libérer de cet amour inutile, d’accepter ce mensonge effronté. C’est agréable, ça t'exorcise, tu as des flash, des images qui te reviennent, tu la revois tel que tu l’imaginais, tel que tu l'idéalisais. “Crève mange tes morts.” Une voix aérienne, peu de mots te parviennent, d’autres mots dans des langues que tu ne connais pas, mais la musique est là et t’enivre un temps. C’est un album qui invoque tes souvenirs “Souviens-toi”, qui calme tes tourments, qui te fait sortir de ton lit, de ta chambre, de ton appartement, ça y est tu as rouvert tes volets, tu es parti te doucher et t'habiller, tu enfiles ta doudoune, il fait froid dehors, mais tu écoutes l’album, les sons suaves, une batterie épurée suffisante à elle même, Jalan. Il y a des gens autour de toi, mais ils ne te gênent pas, pour une fois, tu es dans ta bulle et te ballades, jouissant de la vie autour, un rayon de soleil transperce la froideur hivernale, des percussions brésiliennes te parviennent aux oreilles Occhiali da Sol, tu ne te contrôles plus, tu cours, tu respires de nouveau, Michela, tu es dans un autre espace temps, tu te sens bien, ça faisait longtemps que les gens essayaient de te faire sortir de ton lit. C’est déjà fini, les 6 pistes se sont écoulées à une vitesse hallucinante, tu te sens bien alors tu relances l’album, et continues cette balade, alors SUPER BRAVO ! (HB)

Julien Gasc - Kiss Me You Fool 
Tu portes un col roulé rayé quand je glisse quatre de mes doigts dans ta bouche en me demandant ce qui peut bien te passer par la tête. Je suis en dessous. Mon torse nu, dans le noir profond de ces six heures de persienne close, est une piste d'atterissage où les avions aveugles viennent se cracher, une patinoire pour pubis et clitoris. Les galoches, impudiques, sous les abribus et dans les fêtes d'anniversaire, ont fait fi des mystères; des baisers qui effacent la mémoire, c'est con ça empêche de penser, on se focalise tellement sur la Langue, on n'est libre de rien. On oublie tout, le présent, la salive, qui elle, coulant de source, n'a jamais réclamé d'exister. Je te voue un culte, salive. Je pars presque nu jusqu'à des sommets de volupté, le Hoggar, je cherche un petit bout de roche surplombant le Sahara vide et je penche mon visage pour en laisser couler les dernières gouttes qu'il me reste. Puis je m'étends là, satisfait, ma main pressant ma verge, brûlant au soleil. Chaque filet de bave s'épanche sur mon bas-ventre, dans mon cou, parfois sur mon visage. C'est un éclair divinatoire qui traverse les soubresauts de la nuit en me filant des frissons de faim de vit. Dans un bain de salive, je t'embrasse tarée.  (CL)

Chroniques d'albums rédigées par Charly Lazer, Jean Bamin, Marie Aubrey Molès, Mathilde Doppler, Steiger Amandine, Hortense Bartusiak.

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