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L'Extase (The Rapture)

- C'est pour ce soir!

Léo nous tend le flyer. Un par tête. Personne ne fait vraiment attention à lui. Ce qu'ils veulent tous, c'est des cachets, des baisers dans le cou et des scoops à deux francs. Deux rousses parlent d'Amandine, une fille de leur bahut apparemment blonde qui s'est pétée la gueule. Ça s'est passé en sport. Je ne saurai jamais le fin mot de l'histoire car elles sont déjà sur Elsa et ses petits boutons rouges et blancs. Ou j’ai rien compris. Le gars qui se gratte la nuque à côté de moi et qui regarde un autre gars à l'autre bout du bar qui danse en bousculant tout le monde, c'est Charlie. Il se tourne vers moi, et me demande ce que je pense du type.

- Je ne le connais presque pas, mais je pense que c'est un gros con.

Je ne sais pas trop quoi lui répondre. J'ai eu envie d'appuyer ce qu'il venait de dire, mais j'aurais eu l'impression d'être le pire salaud. L'autre jour, Bastien m'a offert un coca, je n'avais plus un rond en poche, et la bouche sèche car j'avais couru après le bus. Du coup je souffle sur ma paille qui fait un, deux, trois tours et Charlie s'en va. Je le vois s'approcher d'une petite bombasse perchée sur des talons de vingt centimètres. Elle fixe le haut de son crâne mais elle rit à ses blagues. A poumons déployés. Encore un peu et sa glotte va tous nous engloutir. Je ris dans ma moustache, en essayant de deviner son tour de poitrine.

- Tu as vu ça? C'est peut-être notre dernière soirée en tant qu'être physique.

Ça y est, j'en ai ma claque des filles hystériques.

- D'après ce truc que Léo nous a distribué...

Et Julie m'explique ce que j'ai déjà lu. On dirait qu'elle fait exprès d'utiliser des synonymes. J'ai envie de lui dire qu'elle est conne et qu'elle ferait mieux de se taire, mais je cligne des yeux en mordant ma langue suffisamment fort pour gémir et qu'elle se demande ce qui ne tourne pas rond chez moi. Je la fixe dans les yeux. Elle me traite de con, et oublie son verre de vin rouge sur ma table. Je le bois, dehors. Il fait encore assez chaud pour mon bermuda et mon t-shirt, je croise mon ex en mini-jupe avec son futur ex, elle l'agrippe par les fesses, et lui mord la lèvre inférieure, je regarde ailleurs, vers l'infini, le noir éternel, et une lueur de tristesse que j'évacue en même temps qu'un gros mollard rose qui obstruait mes voies nasales. La route jusque chez moi est courte et pleine de verre cassée. J'imagine Amandine qui passe devant moi en short de gym et glisse, Elsa qui prend un bon bout de verre pour se débarrasser de façon artisanale de ses pustules. Charlie en saisit une poignée et se la plonge dans les yeux, Bastien danse comme un esthète.

 

La télé débloque, sur toutes les chaînes, on ne parle que de ça. Pour moi c'est simple, si un couple s'arrête dix commencent. Les médias me gavent d'images et les scientifiques sont catégoriques : renoncer à la baise et le monde s'arrêtera de tourner. De jeunes africains aux chevelures et aux vêtements poussiéreux disent qu'ils trouvent l'idée géniale, je sens dans leurs voix et dans leurs regards qu'ils espèrent juste que le monde va exploser. De petits américains d'école de commerce plaisantent en disant que ce sera dur, mais qu'ils font ça pour le fun, avant tout. Les sciences, ils s'en contrebalancent. Il est 1h. Je mute le téléviseur et je pose ma nuque contre l'appui-tête, de façon à avoir les yeux dans le vide, de façon à perdre pied, m'oublier une bonne fois pour toutes. J'ouvre mon jeans et je sors ce que je possède de plus précieux. Hors des murs, la pluie commence à tomber. Rapidement, à force de rapides mouvements, mon gland se transforme en champignon hallucinogène et je me mets à imaginer Kirsten Dunst, dans ma rue, elle ne porte qu'un top blanc et elle sonne chez moi, naturellement, car elle a besoin d'un refuge. Bien entendu je suis trop occupé avec moi-même pour répondre à son ongle rouge sur la sonnette, à ses tétons tout raides sous le tissu transparent. Le vent se met à secouer le store. J'ouvre les yeux et je suis maintenant dans le noir complet. Je baisse la tête, je ne vois rien, ni ma main, ni ce que je tiens fermement, par contre je vois distinctement un gamin qui s'accroche à un panneau de signalisation pour ne pas s'envoler, un rayon plein de mes cornflakes préférés au supermarché, un beau blond aux boucles curly qui surfe des vagues de toutes les couleurs pendant que les méduses envahissent les plages, la journée de la jupe s'envole et que portent-elles toutes là-dessous?

 

Je sens mon appartement qui tangue comme si c'était le Titanic et que la mer gelée s'était métamorphosée en tempête du désert. La guerre entre l'univers et la planète terre est déclarée, j'entends les tuiles qui se détachent plus loin au-dessus de mon plafond, et dévalent une à une la pente. J'entends un millier de grêlons qui frappent simultanément. Je vois les voitures cabossées, je suis dans chacune d'elles avec une fille différente et elles me sucent le gland comme si c'était la seule chance de survivre. Je sens que je suis humide, et j'ai beau me masturber, j'ai l’impression que c'est une fellation que je m'octroie. Je sors mon gland en ouvrant grand la bouche et je pousse un râle de joie, je gravite autour d'un autre pôle, je suis dans les étoiles que j'ai bien voulues me créer, et j'encule Newton, Einstein et mon prof de mathématiques de seconde. Puis c'est elle qui me grimpe dessus, c'est toujours elle, qui me finit.

Elle est la fin de mon monde et je suis dans la salle de bains avec une bougie, la main pleine de savon. Je regarde dans la glace ma drôle de tronche, je vais m'endormir dans la baignoire. Il est 02:00. Le courant revient. J'ai encore le pantalon sur les chevilles. J'ai mis cinq minutes pour atteindre le robinet. Je plonge mon visage sous l'eau et respire, j'ai l'impression d'avoir sauvé la planète terre, puis je songe qu'il y'a sûrement d'autres filles et d'autres garçons solitaires, qui se trouvent là où je me trouve, songent à ce que je songe, la bite, la chatte en extase.

Une nouvelle de Charly Lazer illustrée par Knapfla

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