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L'AMOUR FLOU

                                                             

L'AMOUR FLOU

par François Harzak

Cliff Chan

 

     Hervé pressait le pas, il ressentait un curieux mélange d'impatience et d'appréhension. Sur la photo de l'annonce internet, elle avait l'air d'avoir un corps vraiment chouette. Mais il ne savait pas à quoi s'attendre concernant son visage, qui était flouté. Discrétion oblige.

Il y était presque. Voilà, c'était au n°12. Il sonna. La porte s'entrouvrit et une jolie silhouette apparut dans la pénombre. De douces effluves sortaient de son appartement, comme pour l'inviter encore plus à entrer. Il la suivit dans le couloir sombre puis ils arrivèrent dans le séjour. Les rideaux étaient fermés et elle était en train d'allumer quelques lumières tamisées dans un coin de la pièce. Il la voyait toujours de dos et n'avait toujours pas pu voir son visage. Elle finit par se retourner et la luminosité était suffisante pour voir de quoi elle avait l'air. Et ce fut la stupéfaction : elle avait exactement la même tête que sur la photo, c'est a dire complètement floue!

 

Il se frotta les yeux, baissa le regard sur le reste de son corps, qui lui était parfaitement net. Il fit quelques pas autour d'elle mais rien n'y changeait : un ovale manquant étrangement de définition se perchait au-dessus de son cou. De ce halo brumeux, une voix surgit soudain :

 

"Salut. C'est toi qui viens pour la fellation nature, c'est bien ça?"


- Bonjour. Heu, oui c'est bien moi...


- Avec éjaculation sur les seins ou éjaculation cosmique?


- Euh... éjaculation cosmique?


- Ok, ça fera un supplément de 50€.


- Non non, je veux dire : ça consiste en quoi l'éjaculation cosmique?


- Ca c'est la surprise, mon chou. Alors, ça te tente?


- Euh... d'accord!

 

Elle fit tomber son peignoir au sol, dévoilant son corps magnifique simplement orné d'une paire de bas résille à grande maille. "Tu peux te déshabiller et poser tes vêtements là", dit-elle. Ce qu'il fit, un peu hagard.

Elle se mit à genoux devant lui, la tête au niveau de son pénis. Malgré l'étrangeté de la situation, celui-ci présentait déjà un début de turgescence. Elle le prit entre ses doigts, fit quelques va-et-vient de sa main puis l'engloutit entièrement dans l'abstraction béante de son visage.

 

Il ouvrit les yeux. Il avait l'impression d'avoir perdu connaissance quelques instants et flottait nu dans l'espace. Son sexe pointait vers le soleil, caressé par les rayons cosmiques. La pression du vide titillait la moindre parcelle frémissante de son corps, si bien qu'il sentit venir en lui une vague de plaisir comme il n'en avait jamais connue auparavant. Comme si un être invisible le happait et le suçait tout entier pour extraire toute la sève de son corps.

 

Il s'éjacula lui-même et se dispersa dans l'espace.

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