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J’ai toujours eu des goûts littéraires d’enfant. J’adore la nouvelle particulièrement étonnante de Charles Bukowski dans laquelle il s’amuse à décrire une scène de guérilla urbaine avec naïveté, les romans de Douglas Coupland et à 7 ans, avec à peine 100 mots de vocable, j’ai eu la lubie d’écrire l’épopée d’un enfant imaginatif dans le monde adulte qu’il ne connaissait pas encore. Il était donc naturel qu’en tombant sur ce livre amoureux, mon cœur se mette à battre comme après mon premier jet de sperme. Logique que je veuille en mettre partout. De références tous azimuts en visions diurnes, de pollutions nocturnes en bonbons de lettres modernes, loin de la branlette navrante d’intellectuels mort-nés, Henri Gougaud est un savant fou, l’expérience faisant foi, je souhaite le partager avec toi. Je voudrais offrir ce livre à une collègue qui creuse en moi des pulsions si profondes qu’elle me tourmente, mais il me reste encore des pages. Cette fille est beaucoup trop excitante pour moi ; avoir ce livre en ma possession compense le manque de sex-appeal dans la glace. Quand elle passe, je la regarde avec ma petite moue complexée mais au fond je me trouve chanceux. Moins qu’il y’a 5 ou 6 ans mais quand même, j’ai le Livre Des Amours dans mon tötebag. Si tu le veux, écris-moi.

 

Ca y’est ! Je l’ai terminé. Il se boit, on se délecte, mais j’ai toujours lu comme un enfant, c’est-à-dire très lentement. Je relis quelques phrases qui m’échappent quand pénètre dans le métro le même genre de bombe qu’A., il n’y a guère qu’au creux de mes draps que je lis consciencieusement. Cependant j’ai une préférence pour le cinéma d’auteur, ce que réprouve mon docteur. Mes troubles du sommeil contribuent-ils à ma lascivité ? Dans ce cas mieux vaut continuer de vieillir, les cernes de grandir. Je navigue au gré des vents. C’est ma façon d’être indépendant. Je ne suis pas téméraire.

 

Disneyland est pour les kids, le parc Asterix pour l’âge turbulent et le Livre Des Amours est pour les adultes hédonistes, curieux et aventureux. Le message est le suivant : La vie une somme d’aventures, le monde un terrain pour elles, lis ces contes et libère-toi, aime comme tu veux et amuse toi. Il y souffle une brise fraîche qui chatouille l’érogène de nos joues rosies et nous pousse à cette juste réflexion que nos ancêtres, ces illustres niqueurs, étaient les plus fins blagueurs. Si se moquer de l’amour pouvait être un crime, on les encouragerait, on les supplierait de continuer, on ferait des crimes. Ce qu’on appelle sottement mourir d’amour c’est cela et bien plus. En bon archéologue du joui-dire, l’heureux conteur d’Henri visite le Monde à travers ses manières d’aimer les femmes les hommes, les hommes les femmes, toujours différemment, jamais indifférent à la forme narrative qu’il emploie, le conte, perdu quelque part entre micro nouvelle et poème, un enchanteur sensuel et sémantique. Une équipée sans fin qui me rappelle la joie de revoir en famille durant le réveillon de noël L’Histoire Sans Fin de Wolfgang Petersen, le meilleur film pour enfants de la galaxie.

L’année de mes 10 ans sortit la première publication, et 18 ans plus tard il est à maturité, taquin, frivole, libéré et libérateur. Il nous expose nos sociétés que nous prenons plaisir à regarder le cœur plus léger.

 

Quand Amour met à genoux Religion une nouvelle foi. N’est polémique qui est positif jusqu’à la moelle, Henri titille pourtant, malgré lui sûrement, la caste religieuse. Notre regard de petit con(temporain) sur l’Histoire étant ce qu’il est, l’obscurantisme est étrange et dégoûtant. Plutôt que combattre, faisons-le acteur de l’histoire. Dévoilons l’hypocrisie du cul-bénit, non pas à coup de critiques acerbes, vaines, plutôt en le voyant tel qu’il est vraiment. Amour. Comme tout le monde. Déjà car ces contes descendent de personnes bien moins agnostiques que moi, aussi car il s’agissait de sauver sa peau en étant libre, Il arrive que l’idée religieuse soit plus sous-jacente. La femme arabe étant dépeinte comme une dévoreuse d’hommes que rien ne peut arrêter, chaque petit con(temporain) projettera comme bon lui semble cette vue historique qui perso me fait bander tendrement, mais a peut-être des fins plus sordides et avilissantes. Henri Gougaud est l'antidote du mal, et au mystique de parcourir le bouquin, Dieu y prenant part sous diverses formes et identités changeant son apparat de bourreau dictateur en visage libérateur de conscience. On dit que l’Homme est à son image, fantastique, capable du pire comme du meilleur donc, et ses plaisirs miraculeux de simplicité.

 

 

Afin de clore sur une note juste, bien qu’un peu courte, voici un conte que vous lirez ou entendrez probablement un jour :

 

 

QUI

 

   Un garçon et son amie se promenaient sur la rive. Leurs cœurs battaient en secret. Mille soleils amoureux jouaient avec l’eau du fleuve. Le garçon ne disait rien, la fille guettait des anges entre la terre et le ciel. Passant le long des roseaux il brisa un rameau vert, l’aiguisa du bout de l’ongle.

 

- Qu’en feras-tu ? lui dit-elle.

 

Le garçon, d’un coup menu, lui piqua la fesse gauche. Elle poussa un cri d’oiseau, se laissa tomber dans l’herbe.

 

- Viens, dit-elle, Baise moi.

 

Qui eut envie le premier ? Qui des deux désira l’autre ? Lui sur elle, elle sur lui, qui fut roi, qui fut mendiant ?

Tu poses trop de questions. Du pieu raide ou de la grotte, qui t’a fait comme tu es ?

 

                                                                            (Afrique, Le Livre Des Amours, Henri Gougaud)

Un article de Charly Lazer

illustré par Morgane Somville

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