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Manifeste pour une révolution lascive

   Nous prenons notre voix la plus suave pour chanter l'amour béat que nous avons de ne rien faire, d'être juste là et de ne rien demander d'autre que ce droit élémentaire.

 

   L'outil de notre révolte est le courage. Celui de ne pas avoir peur de regarder le temps filer et notre peau vieillir, même si ce courage passe parfois pour un manque de courage.

 

   La photographie ayant jusqu'à maintenant embelli la réalité de nos aventures terrestres, nous manifestons pour les beautés nouvelles, celles qu'on ne connait pas encore, et qu'on sera avides de découvrir les jours prochains.

 

   Nous voulons saluer l'Homme qui en étant un être d'émotion avant d'être un être de travail, de souffrance, de labeur et de productivisme nous a ouvert le chemin.

 

   Notre fusil ne sert qu'à ouvrir les serrures de nos coeurs que des bourreaux de la façon d'aimer ont fermé à double-tour avant d'en jeter les clés dans les courants d'eau qui ruissellent jusqu'au centre de la terre et que notre main nue ne saurait attraper.

 

   Puis vient le moment de remplacer le fusil par la caresse, notre arme offensive et aussi défensive. Nous ne tendons pas l'autre joue, nous la caressons.

 

   Puisse le poète être notre sauveur puisqu'il est le seul digne de confiance tant qu'il possède en lui la fièvre et l'audace des malades, des mourants, et des excités.

 

   La beauté n'existe que par et pour la révolution. C'est pourquoi la poésie est notre recours à la violence physique contre les forces morales, à qui nous sommons de se coucher devant l'Homme et ce dans l'unique but qu'elles nous rejoignent enfin dans son lit.

 

   Nous avons deux choix face à la guerre, les laisser se moquer de nous depuis le promontoire qu'ils ont eux-même construit pour leur propre confort bien entendu, ou bien les combattre, en musique, en ne respectant que les règles de cette missive.

 

   Musique, notre délicieux criminel, il a tué le temps et l'espace, grâce à lui nous vivons dans l'absolu et l'éternel et nous pouvons créer la vitesse perpétuelle, la plus lente, la plus douce, sans à-coups, la violence mourra dans un Monde où la moiteur est le moteur.

 

   Nous voulons brûler les circuits de Formule 1, les bourses inconscientes, les centres commerciaux javellisés, les pistes olympiques anabolisées, les boissons énergisantes.

 

   Nous glorifions Bultex et Dunlopillo, ainsi que les marques méconnues proposant des produits au moins aussi innovants et confortables. Le lit est l'église de nos révolutionnaires, l'endroit où ils confessent leurs doutes, se réfugient en cas de crise, prennent part à des débats de société, pensent, rêvent d'un monde meilleur, font l'amour.

 

   Nous trouverons l'inspiration dans la fumée qui monte des cheminées suspendues aux nuages qui passent, la lune sourde qui n'entendra jamais les vêtements amples multicolores qui s'échappent devant, la pipe, l'eau lasse des lacs sous le soleil, ces bateaux qui n'avancent pas et disparaissent dans le brouillard sans fin de l'océan, et là où nos yeux ne sont encore allés.

 

   Toute révolution est créative. On y voit l'originalité, le scandale, l'expression et l'éclosion de nouveaux standards dits de libération de l'âme, mais n'y confondons pas espoir et désespoir, la création provoque toujours et suit toujours un repos bien mérité, une sieste, à méditer ce qui reste à faire. La liste est longue mais jamais pressante alors à vos écrans, à vos feuilles, à vos us et coutumes, prions-nous d'être rebelles.

 

   Il est bien vrai que la chair crée comme l'esprit crée et que les tentations de s'opposer à l'un pour hausser l'autre, à travers l'Histoire, n'ont mené qu'à une destruction vicieuse de la nature profonde de l'Homme. Sans équivoque, nous établissons que l'union des deux, quitte à basculuer dans un enthousiasme forcené qui passionnera les plus étroits d'esprit, empêche la frustration qui mène aux coups de force malheureux dont nous sommes les témoins ulcérés.

 

   Le stress, pierre fondatrice de l'ulcère autant que de la lâcheté, peut être chassé et nous le chasserons en épousant la pelouse des jardins publics autant que des nôtres pour les plus aisés qui, eux, convierons leurs amis à s'y étendre le temps d'une fin de journée chaude. Nous ferons connaissance dans un jacuzzi ou dans tout espace qui nous est agréable. Pour une fois le temps avancera sans nous.

 

   Là où les futuristes un siècle avant nous étaient subjugués par la vitesse, nous le sommes bien plus par la lenteur, d'autant qu'un certain immobilisme, lascif, permet la création lente mais excitante et provoquante d'oeuvres et d'ouvrages. Nous confondons souvent vitesse et précipitation et nous affirmons que c'est de leur faute, et qu'il est grand temps de calmer le jeu.

 

   Non pas qu'on soit dans le passé comme poisson dans l'eau, les guerres fratricides ont façonné notre culture autant que la beauté architecturale que nous avons l'habitude de ne plus regarder et nous leur en savons mauvais gré, mais nous appartenons au présent qui est une caresse, une morsure et l'arbre de nos fantasmes constamment fleuri.


 


 


 


 


 

écrit par Charly Lazer

Illustré par Yoann Kim

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