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Un Threesome en Arabie

par Charly Lazer

Illustration de Joko

 

   La plupart étaient japonais, avec un sapin et parfois une Khamsa pendant du rétroviseur où je me regardais. C’était le seul moyen que nous avions trouvé, que nous avions cherché pour circuler. Une mobylette nous doublait. Ils étaient deux, boucles arabiques au vent, des casse-cou de t-shirt, short et tennis. Souvent le même tableau. Nous n’avions réussi à sympathiser avec personne. Peut-être était-ce le voile qui traine derrière la mariée et on se prend les pieds dans la dictature. Nous avions pris la route et hâte de rallier un haut-lieu touristique, histoire de quitter le pays avec de belles images comme font les étrangers entre la tourista et la nostalgie, deux maladies tropicales. Au départ la fille devant moi me faisait penser à ce truc que je buvais chaque soir avant de me mettre au lit. Bananes et lait mixés, une pinte d’amour dans le plat tumulte des nuits damascènes. J’aurais volontiers pris dans ma main sa nuque.

 

   Rapidement il ne restait plus que notre Toyota de minibus et les grains de sable. Une carcasse parfois, derrière les buissons qui rasent le sol comme des barbelés, je laissais glisser mes yeux sous nous, sous les roues, sur le paysage épuisant de catharsis. J’écoutais les deux filles sur la banquette devant nous qui parlaient, riaient et parlaient. La langue lapant le palais. Celle juste devant moi avait les cheveux caramel, ils tombaient de tout leur long par-dessus le cuir et pointaient vers mes genoux nus. Profitant de la distraction passagère de Bro et papa,  tous deux absorbés par le nouveau paysage brûlant et la bouteille de 7up, je soulevais un genou.

 

   Ce pays paraissait inoffensif, si fragile. Son amie m’avait regardé. Elle n’était pas vraiment assise sur les fesses, du coup à un moment alors qu’elle racontait quelque palpitante aventure nos regards vides se sont croisés comme deux bouteilles qui s’entrechoquent au milieu des mers, se brisent et répandent les mots des survivants. Adieu. En haut d’une colline, ça coulissait, elles sortaient en s’aidant et en se tenant par la main. Je m’étirais dévoilant les poils de mon bas ventre.

 

   Le vent était plus chaud que les rayons du soleil. Deux plantes poussaient à contre-courant sous l’aisselle poussiéreuse et calcaire de la rocaille multimillénaire. On aurait dit qu’on escaladait un hammam dans un incendie sans victime, sans pompier, juste des touristes qui s’arrêtent à chaque coin d’ombre pour s’hydrater bruyamment. Mes épaules roses. Daddy cool le front luisant discutait avec un prof d’histoire-géo. Un homme jeune, fringant, bien coiffé à la Gainsbourg jeune. Nous le quittâmes à la prochaine embouchure. Un désaccord sur la situation politique au Proche-Orient ou sur le goût des raisins, je n’en sais rien, je caressais les colonnes de pierres à en avoir les mains comme un lendemain d’Aïd, quand tu arrives à l’école et que tes petits camarades s’émerveillent d’un truc qu’ils n’ont même jamais vu. Dans leur ghetto de blanc bec. Des oiseaux survolaient le canyon. Je prétextais d’avoir les mains sèches et douloureuses pour m’en extirper rapidement. A tout à l’heure. J’arrivais dans un village fantôme, une boutique de souvenirs et une épicerie. Une bouteille en verre, un sac plastique rempli de graines sursalées. Je trouvais sur la place le doyen et me posais sous ses branches assassines. Le bout du nez frappé comme d’un boxeur le reste à l’abri des flammes. Je regardais autour les maisonnettes fissurées en plâtre.

 

 

 

   Sa mâchoire étirée par un filet de bave entre son palais et sa langue claire, la croix entre ses seins en forme de larme et son amie, sûrement d’enfance, agenouillée encore habillée léchant son con les yeux clos, ne les ouvrant que pour sourire. Ses deux mains agrippaient son petit cul dur, marqué, la sensation froide des bracelets sur les hanches, les chocs et la gorge déployée grande ouverte. Me tenant dans l’embrasure, je sentais le truc et mis mes yeux dans la poche de mon short voluté, bombé, pour me concentrer sur les bruits confus de métal et d’organe. Elles me reconnurent j’en eus la presque certitude quand sans toucher à la porte je mis un pied devant l’autre. La chambre était plus grande qu’on l’aurait imaginée de l’extérieur. Il y avait un lit à baldaquins, deux fenêtres et une commode de laquelle pendait un top. Je posais ma bouteille dessus, je progressais, elles s’étaient tournées vers moi, la plus jolie debout, l’autre avait les lèvres barbouillées mais les regards humides l’emportent toujours sur la cyprine. Je me posais sur sa jugulaire pour un Alep-sur-la-langue. Je crois que j’adore baiser les peaux savamment savonnées. Ma main machinalement a fondu entre ses fesses.

 

   La plus petite puisqu’à genoux sitôt m’ouvrait le short, ma queue en jaillissant se gonfla un peu plus et elle tira suffisamment pour énucléer le gland et lécher le frein comme si elle jouait de la harpe avec la langue. Dans le ciel, le soleil tombait en pâmoison. Elle lâchait soudain ma verge qui tenait d’elle-même et sa copine à la toison caramel prit le relai. Le problème majeur avec les plans à trois fortuits c’est que les souvenirs se mélangent et même si quelques bribes photographiques de mémoire nous reviennent pendant quelque séance non-iconographique d’onanisme, les sensations, elles, s’estompent. Comme les restaurateurs d’œuvres d’art décrépites, je ressuscite aujourd’hui ma vie sexuelle sur fond blanc. Branché au cul de la syrienne qui me branlait constamment en me creusant le fond de la rétine, je baissais les yeux sur ses dents blanches, de plus en plus aveuglantes dans le coucher de soleil au fur et à mesure que son esprit s’ouvrait entre mon index et le majeur. Je l’embrassais en la saisissant. Elle avait un goût de café et de petites fesses d’adolescentes sous contraceptif. Je les écartais et tournais la langue. Je relevais la suceuse pour lui ôter le bas, la mettre à quatre pattes et la fesser. Arc-boutée dans sa nudité, sa jumelle de peau brune me suçait plus fort le front posé sur mon nombril.

 

   La rencontre voluptueuse d’un filet de salive et d’un orteil le visage enfoui dans un con ; nez pénétrant et langue lapant, elle jutant sur mon duvet. Elle me tenait par les cheveux je ne savais plus respirer, ça me foutait en transe elle serrait si fort ma tête, prête à exploser. Je les ai prises toutes les deux je crois. Je me suis évanoui dans une levrette, je martelais en regardant leurs lèvres se greffer. Je suis resté au fond d’elles quelques instants après. A la recherche de mon souffle. La grande et moi, nous avions attrapé la petite que nous immobilisions sur le matelas. Nous lui mettions des doigts et nous relayions pour l’embrasser. Elle s’était mise à trembler, elle me gémissait dans la bouche.

 

   Je me réveillais dans le noir j’étais si blanc et elles presque noires. Je suis sorti des draps plus silencieux que la chouette depuis son nid à quelques mètres, et j’ai remis mes fringues dispersées. J’ai longé les murs dans l’étroite cour, pris le chemin que je prenais quelques heures plus tôt en sens inverse sous les figuiers en fleur. Sur la rue désormais éclairée de réverbères jaunes dissimulés la boutique à souvenirs était fermée.  

Siribi

 

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