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Collage par Yannie Verdin

A La Bonne Heure

Hommage de Gustave à qui de droit

 

J’étais à ce bar sur Hollywood Boulevard.

Celui avec le néon en forme de palmiers ;

Le coucher de soleil derrière n’éclaire plus depuis longtemps.

Cet enfoiré de Henry m’avait viré du Regina et m’avait menacé de me foutre une branlée si j’y retournais.

Accoudé au comptoir.

Je venais de raccrocher.

C’était Sarah.

 

Les bouteilles n’avaient pas l’air de se plaindre d’être là.

Moi non plus.

Un type gras comme un porc s’empiffrait les cacahuètes du comptoir.

Cinq petites panières vides devant lui.

Á côté de lui une femme pas plus haute qu’un poney, les lèvres épaisses, vidait une bière sans mousse.

- La même chose

Les chiens pouvaient continuer de pisser sur les trottoirs

Les secrétaires de vider les poubelles

Les profs de cracher sur les élèves

La Terre pouvait bien braquer à droite

La fin de cette journée s’annonçait prometteuse.

J’envisageais même de laisser un pourboire conséquent au barman pour peu que la bière soit fraîche.

Les deux lurons venaient d’abandonner une conversation sans espoir sur les crèmes hémorroïdes.

Le barman était absorbé par son journal.

Rochy Fire

Cabin Fire.

Nickowitz Fire

Elk Fire

Sans espoir.

 

Le gros en vint à parler de ses histoires de fesses, celles qu’il n’avait jamais eues…

- Tu fais l’amour tous les combien toi ? qu’il demandait à la petite.

Même sa voix puait la graisse.

Je me mis à sourire violemment dans mon verre, la mousse me piquait le nez.

- Toutes les deux semaines en gros… et toi ?

Le miroir me souriait.

Le gros m’avait chopé.

La souris tourna la tête, le corps suivit.

- Une fois par mois…

Le silence qui s’ensuivit ne fit qu’accentuer le pathétique de la situation.

Le sourire ne voulait plus me lâcher.

Ils en rêveraient d’un sourire pareil tous ces vendeurs de pâtes, de crèmes, de chevrotines ou de muselières.

- Pourquoi tu te marres comme ça ? Hé ! Tu fais l’amour tous les combien ? voix grasse.

Étrangement, je n’avais pas vu le coup venir.

Dernière gorgée.

Je sens que je deviens hystérique.

J’en ai les larmes aux yeux.

 

- Tous les trois ans.

- Hein?

- Quoi? Tous les trois ans ?

Babouin regarde souris.

Merde alors, ils s’y attendaient pas à celle-là.

- Et pourquoi t’as l’air si heureux alors ? en chœur.

En baissant machinalement les yeux sur mon poignet j’y redécouvre un vide, sans poil, là où ma montre, accrochée encore il y a peu, me servait de boussole.

- Parce que c’est ce soir.

Librement inspiré de « L’histoire drôle de l’homme heureux », extrait des Amants du Pont-Neuf de Léos Carax.

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