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Avec Paul-Armand Gette

Paul-Armand Gette - Rose à la fontaine, Gabriella 2014

   J'ai rencontré Paul-Armand Gette il y a un peu plus d'un an. Il a répondu très vite au mail que je lui ai envoyé après plusieurs mois d'hésitation. Après quelques échanges, nous nous sommes donnés rendez-vous chez lui, à Paris. J'étais très impressionnée et surprise de l'accessibilité de cet homme illustre. C'est donc avec un plaisir non dissimulé que je vous présente l'extraordinaire personnage, pour ceux qui ne seraient pas au courant.

Paul-Armand Gette est un artiste autodidacte revendiqué. Cheminant depuis l'entomologie, il décide de se consacrer à l'art à l'aube des années 60. Il explore avec sa propre méthodologie les limites de notre perception du corps en chantant les joies d'Éros, et surtout de Vénus... Son ?uvre gravitant essentiellement autour de l'intime, du corps féminin, dans sa représentation et son rapport à l'artiste.

Paul-Armand Gette - Rose à la fontaine, Gabriella 2014

   Paul-Armand Gette a pendant un temps dirigé ses recherches artistiques autour de la question du toucher du modèle. Par modèle, j'entends les personnes qui ont accepté de se faire photographier par l'artiste. Gette ne paie pas ses modèles, ce sont les personnes intéressées par son travail qui «posent » avec lui. L'absence de rapports pécuniers implique une moindre domination de la volonté de l'artiste sur le modèle. Depuis 1983, il demande à ses modèles s'il peut les toucher, et où il peut les toucher. Les relations entre artiste et modèle ont toujours été pleines d'interdits et de sous-entendus avec lesquels Gette prend plaisir à jouer. La distance réduite avec le modèle, avec tout son consentement, crée des images inédites à l'époque. Certaines images sont d'une sensualité déstabilisante. C'est sans doute du décalage entre la volupté des photographies et ce cadre très clairement exposé que peut naître le trouble chez le spectateur. Car si l'artiste insiste sur la clarté des propos qu'il tient au modèle et des relations qu'il entretient avec celle-ci, les images montrées au public montrent une intimité réelle. Cette intimité a lieu en dehors du rapport sexuel ou amoureux. Restant érotique, elle est pourtant purement artistique.

Les Rapports au Modèle

   En 1991, Paul-Armand Gette essaie de mettre en place la liberté du modèle. Il propose à ses modèles de devenir « libres », refusant de leur donner des indications quant à leur posture ou leur tenue. Il envoie alors une lettre à 3 des femmes avec qui il travaille pour leur proposer le projet. Les débuts sont compliqués car les modèles semblent quelques peu perturbées par l'idée. Que montrer ? C'est maintenant clairement à elles qu'il incombe de choisir ce qu'elles décident de faire devant l'objectif pour créer l'image ensemble. Le résultat se forme du croisement des propositions du sujet et de ce que l'artiste choisit d'en photographier. Cette nouvelle relation implique de briser encore un peu plus la barrière qui sépare le modèle de l'artiste, déjà physiquement franchie grâce au « toucher du modèle » . Ce procédé permet à l'un et l'autre d'échanger les idées au sein du processus créatif.

Les modèles sont en pleine possession du langage de leur corps. Elles participent réellement à l’?uvre, elle ne font pas que prêter leur corps à la volonté de l'artiste. De plus, les personnes qui travaillent avec l'artiste sont des femmes qui s'intéressent et s'interrogent sur l'intime. Le résultat se fait à force de suggestions échangées et de propositions acceptées. C'est un vrai jeu de séduction. Il est question de plaire à l'autre, par les propositions données et, si ce n'est pas encore évident, de plaisir.

Les Rapports au Modèle

   Lors d'un entretien que nous avons réalisé ensemble, Paul-Armand Gette m'a permis de rencontrer l'une des « modèles » avec qui il collabore : Gabriela Patino-Lakatos. Je mets le mot « modèle » entre guillemets car c'est un statut qu'ils remettent en question dans leur travail ensemble. Cependant, aucun mot n'a encore été désigné pour définir ce statut, encore tout à fait modifiable et flottant lui-même. Paul-Armand et Gabriela travaillent ensemble depuis septembre 2014. Gabriela est venue à lui avec une liste d'idées. Ils les réalisent ensemble. Elle s'est toujours beaucoup intéressée à l'art. Elle travaille sur la question de la métaphore depuis 12 ans et a obtenu l'an dernier son doctorat en philosophie à l'université de Paris 8. A l'instar de Gabriela, beaucoup des modèles de Paul-Armand Gette sont des femmes qui font partie du milieu de l'art, sont artistes ou s'y intéressent de très près. En effet la réflexion autour de son propre corps est plus naturelle avec des personnes familières de ces questionnements de l'image, dans la mesure où dans la construction de l'image, c'est le « modèle » qui a quelque chose à dire.

Depuis, Paul-Armand Gette ne cesse de se rapprocher des Vénus à force de mythologies personnelles et d'outrages poétiques. Mélangeant avec délice les fruits défendus avec ceux du jardin, l'artiste s'amuse avec les limites du présentable. Il s'intéresse de près aux menstruations et à la miction des femmes. Sujets délicats, peut-être davantage pour un homme. On lui répète assez souvent que ce ne sont pas vraiment ses affaires mais moi je trouve qu'il fait ça avec brio.

Les images issues de sa collaboration avec Gabriela Patino-Lakatos, présentent une fleur arrosée par une source, presque secrète, où Gabriela a choisi d'emmener Paul-Armand. Découle de la ballade une douce représentation de la miction de la déesse ; à 4 mains, celles du « modèle » tenant la fleur et celles de l'artiste sur le déclencheur de l'appareil.

Le travail de Paul-Armand Gette est une ode au corps et à la nature. Sa réflexion sur la relation entre le « modèle » et l'artiste propose une vision décomplexée des relations homme-femme et prône une réelle esthétique du plaisir.

A partir du 5 novembre, on pourra apprécier le travail de Paul-Armand Gette, Anette Messager, Claude Levêque et beaucoup d'autres artistes lors de l'exposition Intimenta à la Galerie Porte-Avion à Marseille. Si vous êtes dans les parages, foncez-y !

Un article de Kim Doan Quoc

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