(À lire en écoutant Maggot Brain de Funkadelic)
Seule dans ma chambre je m'éternise.
Les yeux grands ouverts sur le plafond que je ne vois plus.
Allongée sur mon lit, j'ai pour tout vêtement les lambeaux d'un cataclysme.
Je prends mon temps la main fusionnée depuis de longues minutes avec mon
sexe qui s'épuise à subir mes lubies.
Je veux jouir avec la nuit.
Je veux jouir lorsque cette trace au plafond disparaîtra dans l'obscurité.
Mais pas avant.
Je vole.
La bouche ouverte.
Le cerveau vide.
Les cheveux gras.
Et le jour s'étire pour me punir ou pour profiter du spectacle.
Les secondes s'allongent et leurs extrémités sont floues.
Par la fenêtre je vois les nuages qui semblent s'arrêter, se regrouper pour être
prêts pour l'instant i, pour être aux premières loges.
Parfois je cligne des yeux pour être sûre de voir encore cette trace mais le
moment arrive.
L'obscurité envahit la chambre comme de l'eau noire qui la remplirait lentement.
Comme la mort qui voile les yeux et le monde.
Comme un mot qu'on répète encore et encore jusqu'à ce qu'il perde son sens, je
ne sens plus ni mes doigts ni mon sexe.
Ils forment à présent un amas électrique
dont les longs tentacules remontent en s'enroulant autour de ma colonne vertébrale pour se planter dans mon cerveau
et descendent le long de mes jambes
en se ramifiant jusqu'au bout de mes orteils.
Mes doigts accélèrent et s'enfoncent plus loin,
s'affolent.
L'autre main machinalement attrape un sein
comme pour se rattraper au bord du gouffre de velours,
pas maintenant,
encore quelques secondes...
Oui ...
là...
L'obscurité est pleine et grasse...
Maintenant...
Mes pieds se courbent,
mes reins se tordent,
ma tête se renverse,
mes yeux se révulsent et se ferment...
Enfin.
Stephane Marwal
"Mais quant ce vint a sentir le doulx point
Vous l'eussiez veu mouvoir si doulcement
Que son las cueur luy tremble fort et poingt
Mais, Dieu mercy, c'estoit ung doulx tourment."
Clément Janequin (1485-1558)