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Illustration par Morgane Somville

   Elle ne s’était jamais sentie experte dans l’art de tailler des pipes. Elle avait lu un jour dans un magazine, bien avant sa première relation sexuelle, qu’il fallait savoir changer de rythme, ne pas sucer de manière trop mécanique. Cette directive était gravée dans sa mémoire. En vérité, elle avait lu des tas de choses sur la fellation, et souvent les écrits se révélaient contradictoires. Mais ce qui, plus que tout, faisait qu’encore aujourd’hui elle avait le sentiment de ne pas maitriser sur le bout des doigts et de la langue la pratique de la fellation, c’était de constater que chaque homme était différent. Elle était cependant certaine d’une chose, c’est que la condition minimum pour faire une bonne pipe était d’avoir envie de sucer. De toute manière, elle n’était pas du genre à donner quand elle n’en avait pas envie. Si certains considéraient ça comme de l’égoïsme, elle voyait cela comme une forme de respect. Elle n’avait elle-même aucune envie de se faire lécher la chatte par un homme qui le ferait par obligation. Elle avait déjà eu le sentiment de recevoir des cunnilingus contraints et elle ne les avait pas appréciés. Elle s’était même demandée  si ce n’était pas dans l’unique but de recevoir la pareille.

 

   Quand elle avait envie de sucer par contre, elle s’y appliquait. Pour qu’elle ressente cette envie, il fallait, soit qu’elle se sente vraiment respectée et désirée, soit qu’elle soit éperdument amoureuse, cas extrêmement rare. Pour coucher avec un homme, elle n’était pas aussi exigeante. Les critères de sélection variaient selon l’humeur. Parfois, une simple attirance physique suffisait, d’autres fois c’était une simple question de curiosité. Il y avait quelque chose chez l’homme en face d’elle qui l’intriguait, et elle avait envie de savoir quelles en seraient les répercussions sur l’acte sexuel. Il lui arrivait aussi de choisir son partenaire pour de simples raisons pratiques, parce qu’elle sentait que celui-ci ne s’attacherait pas et qu’il ne compliquerait pas les choses. Parce qu’elle savait qu’ils pourraient passer un bon moment ensemble sans que l’univers de l’un ou de l’autre en soit bouleversé. Ou que jamais il ne la blesserait.

 

   À chaque fois qu’elle suçait un homme, elle avait ce même sentiment d’être à la fois une jeune fille découvrant la vie et une femme dotée d’une certaine quantité de pouvoir durant un certain laps de temps. La jeune fille était émerveillée par ce qu’elle tenait entre ses mains, elle aimait sa douceur, sa malléabilité. Elle était fascinée par ce mélange de fragilité et de force. Elle aimait jouer avec, sentir l’élasticité de la peau sous ses lèvres et la douceur du gland sur sa langue. Elle parcourait toute la longueur de la bite avec innocence, pour le simple plaisir que cela lui procurerait. La femme, en revanche était beaucoup plus cérébrale, elle avait la volonté de satisfaire l’homme qu’elle était en train de sucer. Essayant d’interpréter sa respiration, elle cherchait des indices dans son regard. Elle se devait de lui faire la meilleure pipe de sa vie. Elle voulait que son corps soit inondé par la délectation, elle voulait sentir circuler la jouissance sous sa peau, de son visage à son pubis, de l’intérieur de ses cuisses jusqu’à ses couilles. Il devait être soumis par l’extase, il devait déposer les armes ; il devait tomber amoureux le temps d’une érection. C’est pourquoi la femme doutait sans cesse de ces capacités. Elle était en quête de cette chose qui se trouve au-delà de la perfection et de l’entendement. Et le paradoxe, c’est qu’elle cherchait à l’atteindre par des moyens mesurés, par une attitude presque mathématique. Parfois, lorsqu’il gémissait, elle ne pouvait pas s’empêcher de lui demander si tout allait bien.

 

    Souvent, longtemps après avoir sucé un homme elle se remémorait cet instant. Elle repensait à cette chaleur entre ses mains, à cette douce humidité et à cette magie qu’elle ressentait lorsqu’elle sentait la fermeté d’une bite à l’intérieur de sa bouche. Et elle pensait  à l’homme, certaine qu’en cet instant, elle lui avait fait l’amour.

 
 
 

 

 
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