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DERNIERE VAGUE

  Des vagues balayant le sable, allant et venant dans un bruit sourd variant entre dépaysement et agacement des tympans, le brouillon étourdissant du cinéma Français n’est pas que constitué de ratés en ratures pathétiques, le beau n’est pas l’apanage du passé. L’Art, n’est-ce pas justement effacer le temps ? Alors quand on dit 7, on est vicieux dans tous les sens. A travers trois films vus aux prémices de l’été 2013, et cent fois plus de questions au moins, je reviens sur la rencontre du solide et du liquide. Ou quand l’immuable et l’insipide, la culture et les modes, l’esprit et le corps, le vent et la terre s’activent pour nous mettre la puce à l’oreille, réveiller nos bas instincts, nous assoiffer, et nous offrent à voir l’amour, soit la vie et l’espérance.

I.   La Liberté est-elle l’inconnu ?

 

Peut-on résister à l’amour ? Est-on libre face à l’amour ? Et jusqu’où va la liberté ? Dans L’Inconnu Du Lac, je suis prisonnier de cette plage, lieu de sexe torride entre personnes consentantes, où la beauté et l’horreur cohabitent sans le vouloir, mais sans non plus s’en offusquer. S’arrête-t-on de se baigner après qu’un « des leurs » s’y est noyé ? L’inconscience des vacances, la chaleur et les rayons du soleil, les corps dénudés, autant de raisons d’oublier qu’on est libres, de se perdre dans une passion périlleuse. L’Inconnu du Lac et La Fille Du 14 Juillet ont ce point commun, dans le titre comme dans la narration, de parler d’une entité inconnue à laquelle on se précipite de donner un nom, puisqu’elle donne une bonne raison de faire des conneries et de se surpasser. L’inconnu c’est Franck autant que Michel, on ne connait pas plus les motivations de l’un que de l’autre, on est bien incapable de savoir ce qui les a mené là où ils se retrouvent. L’inconnu c’est aussi Henri, campé par un Patrick D’Assumçao au firmament malgré un rôle qu’on peut croire cliché, qui va et vient mystérieusement dans le film comme le sauveur. La plage, même en tant qu’endroit restreint, on est dans le carré réservé aux homosexuels souvent exhib, libertins, qui ne se cachent pas, est un endroit ouvert sur le monde.

 

Le policier qui vient enquêter est comme un étranger, conscient de ne pas être chez lui, il enquête et, malgré sa chétivité, referme peu à peu l’étau sur les deux amoureux, comme deux mains étranglent une gorge. Chacun sa mission. Dans La Fille Du 14 Juillet, forcément on pense à la révolution. La forme du film, même si elle en appelle à la Nouvelle Vague et c'est pour mieux la fouetter, y est pour quelque chose. C’est rare de voir quelque chose d’aussi frais, d’aussi vivifiant. Je suis persuadé que ce film est même bon pour la santé. On est pris à toute allure (le film a été accéléré) par la main et emmené par Pator, l’ami d’Hector. Il a le culot, l’extravagance qu’ont certaines personnes dont on se méfie souvent à tort. Bon, il aurait pu le conduire droit dans le décor. Il aurait pu, oui. Mais sans lui, Hector serait retourné se branler sur les catalogues La Redoute. C’est là que se termine la liberté, là où elle commence aussi. S’enfuir, partir, foncer tête baissée. Rire, s’amuser de tout, halluciner un peu, se droguer, enfin boire, boire, boire. On se reposera un autre jour. Bambi, elle, elle a eu le temps de se reposer, s’endormir les yeux remplis de larmes, de souffrir, de se sentir comme un inconnu à-elle-même. Sa vie est immense. Et elle nécessitait bien un documentaire. Un document libre, pas un autoportrait, au sens strict, puisqu'il est réalisé par un tierse personne. J'aime quand le micro est tendu aux gens libres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II    La Différence est un petit mot

 

Ces trois films m’ont attiré à eux par différents chemins de traverse. Alors que L’Inconnu Du Lac fait parler de lui, via une affiche fabuleuse et très jolie de Tom De Pékin, en réveillant les bonnes petites familles, La Fille Du 14 Juillet m’exhibe une bande-annonce explicite quant au ton léger mais désinvolte du film. Bambi quant à lui, c’est mon coloc Gilles qui se chargera de me le souffler, et nous irons ensemble à la dernière projection lilloise, ouf. Agissant par des procédés divergents et bien singuliers sur le spectateur, ils ont le mérite d’agiter l’étendard des différences comme une force, parfois invisible. Alors que les homosexuels du film d’Alain Guiraudie se retrouvent dans ce microcosme, ils crient que la différence n’existe pas. Des vacances sexuelles dans un cocon, une plage ghetto, certes. Mais n’en arrive-t-on pas à se dire que si c’était des hommes et des femmes, ce serait la même chose. Ce serait sûrement moins sexuel. Moins amusant. Et on aurait moins l'impression de ghetto, je sais, c'est triste. Mais nul n’échappe à la monstruosité.

 

L’amour, s'il est comparable à un monstre, est le même. Profond, tendre, fougueux.  Hector aime Truquette, même si on le sait, que sait-on ? Est-il un mec un peu rejeté, un peu à la masse, pas si triste même s’il se retrouve dans le bar des lamentations? Il court après l’amour, sans réelle conviction certes, mais parce qu’il a besoin d’aimer pour se sentir vivant. Sans ça il meurt, c’est le propre d’un personnage, il joue dans le film, ne l’oublions pas. Il est un french rebel. Un romantique un peu paumé.  Lui n’a pas besoin de travailler, il s’en fout que les vacances soient raccourcies d’un mois. On dirait que sa vie c’est des holidays, tout le temps. Truquette, qui galère à trouver un job, sûrement un peu naïve, ses clins d’œil et ses culottes sont autant d’indice qu’elle n’en est pas moins hédoniste. Le monde dans lequel ils vivent, où le temps est compté, est un monde où l’âge ne semble rien vouloir dire. Et Bambi, à 77 ans, n’est-elle pas la plus différente de toutes ? Une femme, une vraie, presque plus femme qu’une femme. Mais est-ce possible ? Elle ne le croit pas. Tout ce dont elle est sûre, c’est d’avoir atteint une espèce d’objectif. Elle a une capacité d’attirer le regard que j’ai jugée tout à fait extraordinaire, assez merveilleuse. Je crois que plus qu’attendri, je ressentais ce qu’elle me disait, plus que comme des vérités, comme un truc intime. Un truc que nous avons tous au fond. Certains appelleront ça, le besoin mégalomane de se sentir unique. Ou l’existence.

 

 

III.    Le Silure, la Commune et la Sexualité

 

Marie-Pierre, pendant l’heure que dure le documentaire que lui a offert Sébastien Lifshitz, nous raconte ses aventures. Elle n’a pas été une formidable coureuse, malgré son statut de danseuse de cabarets parisiens. Ainsi, en Algérie, alors qu’elle porte toujours le poids de son sexe, elle rencontre un homme plus âgé, qui refusera de l’accepter dans sa transsexualité, et adoptera une attitude offensante, terrible à son égard. Elle rencontrera d’autres hommes à Paris. Et un jour, patatra, elle aura une histoire avec une femme, très belle comme elle. Elle s’en voudra, se disant que tout son combat, devenir une femme, pourrait se détruire là, sous ses yeux, si elle tombait amoureuse de cette femme. Un dilemme. Une vie entière de dilemmes, puis-je imaginer alors. Tout ça pour en arriver là. A cette hommage, à Bambi qui, je veux le croire sinon je risque à mon tour de me briser comme un verre coca-cola, est heureuse.

 

Le sexe dans La Fille Du 14 Juillet est adolescent comme une course à la montre. Le sexe, même s’il est omniprésent, par de petits coups de langue sur les lèvres qui font pshitt, on se cache sous de petites robes d’été, bande de timides. Même si le vent les lève parfois, même si un téton se transforme en soleil dans mon cœur, les protagonistes n’ont pas une sexualité qui déborde en criant braguette, j’ai même un peu de mal à imaginer leur vie sexuelle, on a quand même sacrément envie d’y croire. Dans l’Inconnu Du Lac, c’est plus flagrant. Il n’y a pas la place au doute. L’innocence a été consommée, on ne sait pas quand, il y’a longtemps. Ce lieu aurait pu toujours exister, il semble immortel. On a beau être étranger à ce cadre, n’avoir jamais été dans un pareil endroit, il n'est pas hostile, et s'ouvre, pour une fois, à ma curiosité hétérosexuelle. J’y entre bien sûr sans demander l’autorisation, assis dans mon fauteuil, bien confortable, et c’est l’été qui vient de commencer au-dedans, au-dehors.

Charly Lazer

La Bande annonce de Bambi

Celle de La Fille du 14 Juillet

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