top of page

Musique pour passer l'hiver   part 1

​Halls - Ark​

Au départ, c’était une obsession, écouter ce disque, c’était comme fréquenter la même personne, finir par tomber amoureux mais ne rien pouvoir dire sous peine de la voir changer de mine et la perdre. Douche froide. La passion c’est un déséquilibre parfait. Dans ce capharnaüm, jouer comme un gamin gazaoui dans les gravats, les cheveux de poussière qui abritent des rêves plus-que-réels, ce disque est la paix qui ne fait pas semblant de nous comprendre. Fruit mûr de l’esprit d’un garçon sorti de l’adolescence comme on remonte de la piscine, à la force des bras et de l’imagination. Marchant mouillé vers nous, chaque son qui perle sur la peau, en brillant comme une pluie d’étoiles filantes, nous rappelle comme nous sommes vivants et qu’il est nécessaire de creuser en conséquence dans nos émotions primaires pour attraper, extirper et embrasser le meilleur de l’humanité. (CL)

El Perro Del Mar – Pale Fire

Dans cette trouble aurore j'ai expérimenté la solitude de mon aura. Je n'ai pas crié cette fois, tant la douleur est devenue habituelle. Mon corps se déploie à mesure que la décadence du lien croit. Le froid attise mon attrait, je me complais dans l'incomplet. 

Sous ce dôme tu me nargues par la stature de ton bassin que jamais je n’atteins. Tribale créature sensuelle, géniture de pulsions sexuelles. 

Enceinte hyaline constante, non dissonante des altérations violentes. Je brutalise l'immuable jusqu'à l'épuisement.  (AB)

Teen Daze – The Inner Mansions

L’amour c’est quand tu rentres chez toi avec le sourire peu importe le temps qu’il fait dehors. Cette béatitude ressemble comme deux gouttes d’eau à un fantôme surplombant la ville qui attend que quelque chose vienne troubler le calme ambiant pour nous laisser seul avec nos hantises, entre personnes vivantes et responsables. Tu es cette ville toute entière. Chaque habitant est un de tes cheveux qui s’hérissent devant le poltergeist. On est loin de la liesse propre à l’euphorie collective. On est dans la timidité des sentiments qui en profondeur agissent pour longtemps. Ce baiser qui laisse des traces et fait tourner la tête quelques heures durant, Tipp-Ex n’y pourra rien ; Ou alors tu viens de faire l’amour pour la première fois et tu as la tête dans les étoiles collées au plafond de sa chambre.  Une bougie se consume, jusqu’à ne laisser qu’un bout de mèche et une flamme bleue en phase terminale. Si nous vivions dans l’âge de la cassette, et que mes jeans se trouaient d’eux-mêmes au niveau des genoux plutôt qu’à l’entrejambe, Teen Daze serait Yo La Tengo. (CL)

Yo La Tengo – Fade

Je crois que ma vraie rencontre avec ce groupe, c’était en juin dernier. Peut-être que je me trahis en disant ceci, mais ça n’a pas d’importance. Ce que j’ai vécu, ce jour-là à Porto, en a en revanche. L’ensorcelante expérience de titres interminables, de rythmiques parfaites et éternelles, le plaisir instantané à l’idée de voir du culte plutôt que des vieux qui dépoussièreraient un répertoire en se foutant de notre encéphale, notre jeu de jambe, notre état d’esprit de touriste contemplatif au bord de la falaise. Et puis j’ai aperçu le petit cul d’une espagnole. Son visage était plus radieux, le soleil, de l’ouest, l’inondant. Des copines à elle sont arrivées et elles avaient adopté le style 90s ; moi j’étais torturé comme à l’époque où j’adorais le métal, sauf que j’étais en train de vraiment prendre mon pied à écouter Yo La Tengo, c’était vraiment super. Mais tout ce que je retiens du concert c’est ces trois touffes de cheveux lisses claires et obscures qui ondulent dans l’air et ma volonté de lier ces mouvements angéliques et cette musique divine dans ce monde parfait.  (CL)

Holly Herndon – Movement

Il y avait des ondatras dans la darkroom. Je crois que je n'y suis pas entré à cause des montagnes de fermentations indignes de ma divinité. Ce lieu possède l'ambiance Dalinienne où les lamentations jaillissent à travers les lourds rideaux de velours rouge. L'odeur y est acerbe et on y sert des gâteaux parallélépipédiques. 

Un garçon m'a enjoint de danser. Nous tournons durant quelques heures les yeux fermés. Nos corps sont penchés dans des directions contraires afin de ressentir dans nos poignets la tension du point d'équilibre. D'altitude, nos bras forment une croix dont le centre est détenu par nos mains. Bientôt nos paumes glissent à cause de la diaphorèse. Dans un mouvement vertical je me vois projeté sur l'étendue humide d'un bar. Sous le poids de ma chute, des verres vides se sont brisés et des débris ont transpercé mon dos. Je tente difficilement d'atteindre le sol avec mon pied droit pour me relever, quand je remarque qu'un deuxième moi me fait face. Son regard m'immobilise. L'eau pénètre par les lucarnes, certains objets commencent à flotter. Pourtant tout est calme.  (AB)

 

Les Trucs - The Musical

Thé musical ? Cette house music pour enfants épiques me donnent envie de gigoter à m’en casser les genoux. Mettre mes pieds dans des flaques pour mouiller tout alentour, sauter dans la neige et glisser sur les fesses jusqu’en bas du chemin, manger du chamallow avec des types moustachus autour d’un feu dans un camp de romanichels. Enfant terrible. La police me ramène à la maison, et maman m’aime quand même. Papa me fabrique un lit, et je m’endors trop heureux de m’être ce jour délivré du mal. Ce disque c’est une armoire remplie de fringues d’hiver qui ne sont plus à la taille mais qu’on met juste pour se remémorer toutes ces choses qu’on n’a pas faites par manque de témérité tout en se rassurant d’avoir une chouette vie maintenant qu’on est grand. Grandir, ça fait mal au dos, ça tire dans les jambes, un matin t’as la tête qui pèse plus lourd, puis t’as envie de sexe et de mourir. Comme c’est bizarre ! (CL)

The Townhouses - Diaspora

Cette fille est en pleine expérimentation de quelque chose de nouveau. Ecoutant un professeur passionné qui ne s’est pas encore rendu compte que les œuvres d’art lui survivraient, elle sent que quelque chose se faufile dans ses jambes, dans son ventre, jusque dans son cœur et son clitoris. N’allant jamais plus loin. Saisissant dans la routine frustrante un instant de plaisir retenu, là où il se trouve enfermé pour toujours, jamais ailleurs qu’en elle-même. Ce disque est la sève de cet arbre sur lequel les oiseaux se posent pour atte(i)ndre l’amour céleste. Cet arbre c’est le monde, et ce disque est un moment de vie qui appartient à l’intelligente oisiveté, la passion lascive et la sensualité douce de fantasmes pervers sous-jacents comme un squelette fétichiste qui attend sous le lit que cette fille, maintenant en pantoufle et pyjama, vienne s’asseoir pour l’attraper par les chevilles et l’emmener avec lui, sur son dos d’os, dans la nuit. (CL)

Lasership Stereo/18 Carat Affair - Pleasure Control split K7

Le jusqu’au-boutisme des deux hurluberlus anonymes a le mérite d’allier funk de bordel et de ruelles humides, musique de porno vintage, ce grand inconnu là-bas, adossé au mur, et semble avoir été inspiré par un dodo à bord d’une rame de métro après une rapide chute de Md. Blanc et naïf, je m’efforce de croire qu’il n’y a aucune drogue derrière tout ça, et que les intégristes de la chillwave ne sont que de pauvres autistes à qui nous devons tendre la main. Leur message est pourtant clair et brille même dans le noir : sois le maître de ton plaisir. On pense au tantrisme mis en musique de façon, enfin, intelligente et hédoniste, alors qu’habituellement ça n’aurait signifié qu’ennui, frustration et massue émotionnelle. Voici 26 tracks comme autant de voitures cambriolées dans GTA, comme autant de partenaires sexuels, de capotes d’où sortent de langoureux murmures et de fessées prises à son compte ; se faire violence et apprendre à rêver.  (CL)

bottom of page