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Entretien avec Pierric Bailly.

Photographie de Yannick Lagier au festival Littérature, Love Etc.

Han Han : Dans quel état d’esprit étiez-vous en écrivant Michael Jackson, votre second roman, et quelle était votre ambition principale ? Ambassadeur d’une génération ? De l’amour post-adolescent ?

 

Pierric Bailly : Je n'avais pas d'autre ambition que celle d'essayer de faire un roman à partir de certaines choses que je vivais et que j'observais autour de moi. Il me paraît impossible d'écrire un livre en s'imaginant devenir le porte-parole de quoi que ce soit. Il s'agissait simplement de dresser le portrait d'un jeune homme d'aujourd'hui, de le saisir à partir de la fin de l'adolescence et de le suivre jusqu'à ce qu'il semble avoir vraiment trouvé l'amour.

 

 

Han Han : Puisqu’il en est question dans le roman, peut-on dire que nous sommes la Génération Porno Décomplexé ?

 

Pierric Bailly : Porno, oui. Décomplexé, je ne sais pas. Toutes ces histoires de partouzes, je dois bien l'avouer, c'est de la fiction totale. Mais je suis un peu jaloux quand j'entends parler des pratiques sexuelles des vingtenaires d'aujourd'hui, j'ai l'impression qu'ils vivent tout ça pour de vrai, eux.

 

 

Han Han : Etait-ce délibéré de faire du sexe quelque chose de si simple, de naturel et même de banal comme dans cette phrase « La suite serait forcément plus belle que pour ceux qui avaient des copines et baisaient sur les parkings. ». On a beau s’émerveiller des exploits pornographiques de Claire et Ronan, c’est une curiosité somme toute passive.

 

Pierric Bailly : Une des idées était d'essayer de faire une sorte de comédie romantique pornographique, donc de mêler des genres a priori incompatibles. Je ne voulais pas que le porno soit le sujet du livre, mais qu'il soit présent comme il l'est dans nos vies, quand on se regarde une petite vidéo entre une visite chez le médecin et un diner chez sa grand-mère.

 

 

Han Han : Pouvez-vous nous parler de votre crise des 25 ans, crise définie par Douglas Coupland dans Generation X par le poids de la responsabilité qu’incombe le passage à l’âge adulte ? Comment y avez-vous fait face ?

 

Pierric Bailly : Le cocktail imparable : je me suis mis en couple (un peu avant 25 ans), j'ai sorti mon premier livre (à 25 ans), j'ai eu un enfant (un peu après 25 ans). La totale ! Mais après une petite période à croire que j'étais devenu, peu ou prou, un adulte rangé, je me suis rendu compte qu'en fait, non, ce n'était toujours pas le cas.

 

 

Han Han : J’ai lu un bout de votre roman dans un sauna. Maintenant que vous avez un peu de recul, à qui diriez-vous que s’adresse Michael Jackson ? Et surtout quel contexte est propice à sa lecture ?

 

Pierric Bailly : Le livre a l'air de parler à des lecteurs assez jeunes, de moins de trente ans. Quant à la question du contexte, je déconseille le hammam (trop humide). Mais d'ailleurs, étiez-vous seul dans ce sauna ? Si non, en avez-vous profité pour faire la lecture à vos voisins ? Et que faisaient-ils, vos voisins, pendant que vous lisiez ? J'espère qu'ils ne vous ont pas trop embêté, quand même.

 

 

Han Han : Non, j’étais seul, c’était un saune privé dans la maison de vacances qu’avait loué mon adorable maman, c’était plutôt cool, je transpirais à grosses gouttes sur le papier fin. Et sinon, à l’heure actuelle, que faites-vous ? On a l’habitude de fantasmer l’écrivain comme un obsédé de la plume, j’imagine que ce n’est pas toujours une réalité ?

 

Pierric Bailly : Hof, si, presque. Je m'ennuie vite quand je n'écris pas. Mais je prends mon temps, je suis assez lent. Actuellement, je termine mon troisième roman.

 

 

Han Han : Je suis tombé sur un mail dans lequel vous parlez de Greg Mottola, le réalisateur de Superbad. Ça tombe bien c’est un de mes teen movies préférés. Et les vôtres ?

 

Pierric Bailly : Superbad au sommet, suivi de près par Adventureland, du même Greg Mottola. Plus récemment, j'ai beaucoup aimé Amour de Michael Haneke.

 

 

Han Han : Vous souvenez-vous de l’émotion ressentie à l’achèvement de Michael Jackson ?

 

Pierric Bailly : Hélas, non.

 

 

Han Han : Et lorsque vous avez appris la mort de Michael ?

 

Pierric Bailly : Je me suis réfugié en larmes dans les bras de ma femme, on s'est roulés un gros patin, puis on a fait han han.

 

 

 

                                 Entretien par email le 13 novembre 2013

Extrait

 

   Je suis debout, droit, con, Lucie me baisse le pantalon, ouvre mon caleçon à boutons et me jette un regard épaté. « Les filles, venez voir ça. » Elles poussent des cris suraigus. « Il nous faut une règle », dit Lucie. « Ne bouge pas, toi », m’impose Clarisse d’un doigt autoritaire. Elle revient avec un triple décimètre.

   A côté de mon fauteuil, dans un panier en osier, une pile de magazines de décoration d’intérieur. Et je suis toujours droit, con, cerné par l’intégralité des convives sauf Erwan, en train de bouder sur une banquette à l’écart et qui rêve de me défoncer le crâne à coups de guitare, banjo, mandoline, ou piano à queue plus longue que la mienne, ça, je n’en doute pas. Lucie prend les mesures et ils chipotent sur le point de départ, s’il faut commencer en dessous vers les testicules ou bien au-dessus, le bas-ventre, la toison. Quoi qu’il en soit, dame nature m’aurait gâté.

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