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"Vous y croyez vous?"

Elle se tenait là, de l'autre côté de ma fenêtre, dans la rue. Le froid l'enveloppait de son haleine, excitait des nuages carmin sur ses joues, et brouillait ses yeux. Je ne l'avais jamais vue.

"C'est plutôt vaste comme question. De quoi voulez-vous parler plus exactement?"

Elle me confessa dans un souffle: "Ce qu'ils nous prédisent...Pour demain."

Je lui souris: "Et bien je pense que toute chose ayant une fin, le Monde ne doit pas échapper à cette règle. Pour ce qui est de demain, je pense que nous serons vite fixés."

Il y avait un reflet étrange, comme une absence, dans son regard: "Je n'y croyais pas moi... C'est juste qu'un doute m'a saisi alors que je passais devant chez vous."

Un silence.

"Et si ? Et si c'était effectivement notre dernière soirée à tous? Je n'ai pas du tout envie de la passer seule cette soirée... Puis je vous ai vu dans votre appartement et vous aviez l'air gentil... Et moi, je ne connais personne ici... C'est pour ça que je me suis permise de frapper à votre fenêtre. Au fait, vous ne tirez jamais vos rideaux?"

Cette fille, touchante dans sa timidité audacieuse, gracieuse, absolument sexy, tremblait un peu et semblait attendre quelque chose. Sans doute avait-elle besoin d'un peu de chaleur. Je lui ai donc proposé d'entrer boire une tisane réglisse-menthe… Sans penser à mal... À rêver, peut-être un peu. Je ne sais d'ailleurs plus trop comment je me suis retrouvé avec ses délicieux seins blancs dans la bouche. C'est juste qu'il y avait ce pollen tout doré dans ses yeux. Ils m’ont rappelé un film. Dans une des scènes, un jeune couple fait furieusement l'amour sous les bombes. Je crois que cette image m'a donné envie de lui caresser la joue. Je crois qu'elle m'a doucement mordu la main en retour, puis sa bouche suçant la mienne, son ventre vibrant sous ma langue, ses yeux insaisissables, ses petites lèvres roses gonflées et écloses, nos corps mêlés se cherchant encore et encore. Les choses se sont enchaînées d'une manière improbable… Comme dans un rêve. C'est qu'il y avait un silence particulier, presque solennel, en ce soir du 20 décembre. Tout demeurait en suspension. Il nous suffisait juste de croire à l'hypothétique fin du monde pour que tout devienne simple soudainement… Et nous avions une excuse, une urgence: la liberté... Nous avions l'instant.

L'Eclipse

Fut Rose

Une nouvelle de Flo Djuka

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