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LES ELUCUBRATIONS TECHNOPORNOGRAPHIQUES de Charly Lazer

France Télévisions, sur internet, un lundi soir, en replay, c'est deux publicités dépassant 30 secondes qui s'arrêtent dès que je change de fenêtre. Comme si l'état pénétrait ma vie privée et ouvrait pour moi Xvideos. Merci l'Etat.

 

Mais demain j'ai rendez-vous chez Ingeus. C'est une boîte censée m'aider à trouver un vrai job. Un vrai job c'est un truc vraiment chiant, nuisible, qui rapporte un peu d'argent de poche. Je suis dépendant à l'argent. Et ces gens payés pour travailler et me répéter qu'il faut que je travaille, ça me file déjà la migraine alors que pourtant je pense à toute autre chose actuellement. La Pornographie. Je devrais aller me coucher et ne pas mettre de réveil. Le monde réel ne tourne pas rond mais est-ce que le monde virtuel, symbole de la pensée progressiste, chie dans les bois? La masturbation pour oublier ses vieux démons. Par chance ou par malheur, j'ai nullement envie de me débraguetter. Je dois être le dernier des fainéants. Je porte un pantalon Fabio Lucci fort agréable, j'aurais peut-être dû en prendre 2 pour le porter tous les jours de la semaine. Tant pis, je dois le dire, tant pis si tu es une personne que j'aurais pu aimer dans un futur proche, j'ai une préfèrence aigüe pour Xvideos.com, les pubs se fondent dans le paysage alors que sur france2.fr, on me caillasse. Ma culture, ma soif de savoir, je l'ai jeté à la gueule des intellectuels. Qui a dit que les branleurs ne savaient plus réfléchir? Finkielcrotte, entre les mots. Bon j'invente, c'est bien d'inventer, d'être créatif, on ressuscite à force de créer sa propre légende on ne meurt jamais. On ouvre le mausolée, on marche dans le désert, on ne croise pas un chien, on est dieu.

 

Et soudain me vient cette interrogation, et si les créateurs-trices et développeurs-euses de Xvideos ne s'étaient jamais branlé(e)s? Tout le monde s'est déjà branlé me crie la boîte de biscuits qui à ma droite fait gicler des miettes partout sur mon clavier. Pendant que je passe l'aspirateur, je me demande ce que je vais bien pouvoir faire sur ce site vu que je n'ai envie de rien de ce que les gens font sur ce site. Je m'inquiète, même car je suis de ces gens et je l'assume ouvertement, mais pas ce soir. Quand j'ai eu l'idée d'écrire sur le porno, je voulais évoquer son évolution à travers notre ère moderne. Le porno ayant été un moyen de pratiquer la pornographie à grande échelle, avant d'être le fait de filmer des fantasmes, des trucs qu'un client n'aurait jamais pu avoir en une passe, ni même en 10, dans certains cas. Filmer des ébats et les partager à un grand nombre d'hommes, notamment dans des salles obscurs prévus à cet effet, puis via des VHS, afin qu'ils puissent vivre un rapport sexuel de substitution. En gros on a un point A où les gens, qu'on pourrait appeler de gros pervers bedonnants mais pas que, mataient des pornos pour voir des prostituées dans des situations cocasses leur rappelant des souvenirs en mieux. Et aujourd'hui on en est au point B, où les gens, des filles et des garçons de tous âges de toutes corpulences, matent des pornos pour voir des filles normales, ou des créatures dont ils rêvent, ou bien des filles leur rappelant leur voisine, leur collègue, faire des trucs de plus en plus hardcore qu'ils ne feront eux-mêmes peut-être jamais, d'autres essaieront car le porno a ce pouvoir d'éveiller la curiosité et c'est bien là une de ses forces ultimes et moralement acceptables quand on veut le défendre. Même si je synthétise, je crois que les buts de la pornographie ont évolué. Passant du simple substitut à une pratique courante, comme on lirait les brêves dans un journal numérisé, on regarde du porno, et souvent de courtes vidéos plus qu'un film scénarisé, immunisé que nous sommes à l'idée qu'il est pas possible de faire un porno beau, enivrant, qui pue l'amour et le cul à la fois, la beauté et la sauvagerie. Pourtant dans le fond on espère que ce soit possible, mais on a déjà laissé la main. J'ai élu résidence dans ce point B. C'est très clair, j'y suis assis et tu peux y aller si tu veux m'en détacher, on ne joue pas aux chaises musicales, ici c'est la vie, la jouissance. Il arrive fréquemment que je remarque des ressemblances entre certaines connaissances ou certaines filles que je rencontre et des actrices de films pornographiques. Dans ces cas-là je me dis que je suis perdu, même si ça me fait sourire, et même si ça m'excite drôlement parfois. Le porno dans les années 60, 70, c'était une belle orgie, la libération sexuelle et tout le bataclan. La thune commençait déjà à gangréner le truc, mais ça avait au moins le mérite d'avoir l'air fun et culturellement ouvert d'esprit. Maintenant tout le monde veut son porno quitte à friser l'indécence et à s'emballer de mauvais goût. Bon j'exagère, on est encore un paquet à rester cachés derrière nos ordis bien conscients que tout ça peut virer au malaise d'une seconde à l'autre. Mais depuis Tommy Lee et Pamela, pas mal de sextapes se sont fait la malle. Et depuis l'avènement des smartphones on est entrés dans une nouvelle ère. Le porno est là, il a la bouche grande ouverte et la gorge profonde. Si tu lui craches dessus, il te le rendra bien.

Illustration de Yoann Kim

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