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Je pleure dans des néons, mes larmes chromatiques tombent sur mes souliers. Ca fait une poignée d'heures que je ne suis plus au dessus d'elle, à laisser un peu de salive couler. Je me suis réfugié à l'intérieur de ce fluide, j'étais un petit bonhomme qui nage de bulle en bulle, puis j'ai pénètré entre ses deux lèvres étirées, surfant sur les ondes magnétiques de ses gémissements avant que sa gorge m'avale et que disparaissant à moi-même je me mette à criser. C'est terrifiant de ne plus se reconnaitre. Ca m'a toujours terrifié, et quand je suis terrifié, je bats le rythme de mes angoisses sur qui me fait face. Heureusement elle a bien réagi : elle m'a fait voler avec ses deux pieds, et je me suis retrouvé face contre plancher à tâter la colère nue. Insidieuse inconsciente, elle s'est rhabillée et a filé avec mon porte-monnaie troué. Et me voilà sec, en gros plan pixellisé sur l'avenue des amours ratées, je prends ma nuque dans ma main en repensant à la nuit qui se termine. Je me tâte le cou à la recherche des ganglions, gosse j'en avais toujours pour se foutre dessus, mais là plus rien. J'y sonde un message de mon système immunitaire. Dans l'ascenceur, j'ai remarqué le porte-monnaie ouvert sur le sol. Lorsqu'on ne put plus descendre, je mis un pied devant l'autre et alors que je gagnais lentement le boulevard des taxis, je sentais encore le parfum de son cou collé dans mon nez, et celui de son con sous mes ongles collants. Je suçais ce fameux doigt tout le trajet qui était censé me mener à mon rendez-vous. Juste histoire de ne pas l'oublier si vite. Il y avait des bouchons, je sortis un billet et me résolus à tout finir à pied bien que c'était le genre de quartiers où je ne mettais pas les pieds, ceux qui dans mes fantasmagories nécessitaient qu'on fasse bien attention à là où on pose la semelle sous peine de s'y planter quelque vénérienne morsure qui te bouffe la queue de l'intérieur. Des noirs balayant les éclats de verre autour d'une voiture, des blancs courant avec le sac d'un ado jaune, mais tous les chats étaient gris. J'entrais de nouveau dans un truc qu'avait l'air d'une zone de classe moyenne. Elle était là, elle m'attendait devant le premier bar, je lui claquais les fesses pour lui indiquer quel type j'étais et on est montés puisque les bars ici ont des chambres aux étages, ça reste discret,pis la musique y est joué si fort par des orchestres si mauvais. Sa première question porta sur mon âge. Elle s'avala la langue lorsque je lui répondis. Je voyais au fond de ses yeux ronds et pétillants qu'elle voulait voir dans quel état j'étais sous cette épaisse boucle de ceinture. Je lui fis la proposition de discuter, puisqu'elle avait lancé elle-même le débat, il me sembla normal de poursuivre, je voulais savoir ce qui l'avait conduit ici, dans ce bar, à faire le tapin. Quand elle me raconta sa vie, surtout l'enfance, je remarquais que ses yeux étaient des amandes, et ça tombait bien parce que gosse j'aimais beaucoup en manger, mon papa les disposait dans un ramequin. Nous communiions par-delà l'abat-jour, tous deux occupés, moi à l'écouter en y mélant mon enfance, en nous comparant, ce que nous avons été, ce que nous sommes et ne serons jamais; elle à regarder parfois dans le vide, la narration et les viscères pleines de souvenirs qui la faisaient presque pleurer. Je sentais la vitalité de se vivre dans le verbe de sa peau moite. Parfois je la priais de rebaisser un peu sa jupe alors qu'elle tentant de m'allumer me montrait son porte-jarretelle. C'était vrai, disait-elle, que je n'avais guère l'air d'être un bleu, je lui rétorquais que je n'en saurais probablement pourtant jamais autant qu'elle sur le travail de putain, et que sa bouche n'était pas plus faite pour sucer que pour conter. Voilà ce que mon expérience me permettait d'en juger, à ce moment où tamisée la lumière dessinait son ombre la magnifiant à juste titre. Nous restâmes ainsi posés à discuter, moi l'arrêtant parfois lorsque ma propre puberté frappait du poing compulsivement à la porte de ma mémoire, me priant de lui ouvrir alors que j'étais là pour l'écouter et que je voulais décemment poursuivre cette tâche qui sur le coup me parut bien plus belle, et bien moins altruiste que cette pute des arrière-cours pouvait se l'imaginer, je m'en couperais une main. Il arriva bien sûr qu'elle évoqua un instant le prix égal d'une sauterie et d'une bavette, mais aussitôt qu'elle débuta ces commercialités banales je la priai de ne pas cesser, que son prix était le mien. Son histoire avait quelque chose de fort bouleversant, j'avais l'impression de l'avoir déjà lu dans un livre à l'université mais pour une fois j'avais pas un aristocrate pour tenter de me rendre ça beau; la beauté était toujours criante de vérité. J'eus bien l'envie de l'étreindre. Mais quand les triviales envies du client que j'étais pourtant me vinrent, j'eus la nausée. Perdu, dans la vallée qui sépare les océans de l'amitié et du vidage de couilles, je lui présentai mes hommages, déposant un billet muet entre ses longs ongles qui en avaient égratignés. Je pris un verre quand même au bar en écoutant amiteusement l'orchestre qui pleurait un jazz frileux en transpirant. Devant tout était calme, tout le monde dormait les fenêtres ouvertes, alors que je remontais la rue en exhibant mon pouce. Une voiture s'arrêta avec en son sein deux garçons homosexuels qui cocotaient. Je montai, depuis la banquette je regardais celui qui conduisait caresser la boucle d'oreille de celui qui attendait que balade se termine. Ils me parlèrent un chouia, je leur racontai la raison de ma venue dans le coin et reçus une version morcelée de la leur. A la place du mort, le blond pêcha une cassette dans la boîte à gants et l'enfila, ils se mirent à rire et à commenter le côté tapette du chanteur, ses tenues, sa coupe de cheveux, sa dentition, avant de me demander si j'aimais. J'ouvris la porte et sortis sur un carrefour en plein centre, ils me soufflèrent un baiser dans un clin d'oeil. Un quatre quatre klaxonnait, ils démarrèrent en hurlant, en faisant prendre l'air à leurs majeurs levés haut en signe de victoire sur le monde qui autour d'eux avait l'âge ingrat, tempétueux d'électricité et de lumière.

En bas de l'appartement de cinq étages, il y avait son nom en rose pâle. Elle ouvrit dans une robe de soirée, belle sur laquelle j'avais flashé, un verre à la main, le second étant posé sur la table basse du salon, elle me le tendit et me fit entrer. Me faisait face un néon, une inscription ésotérique sur la joie. Je lui demandai si elle vivait pour autre chose que la créer. Elle m'aggripa l'entrejambe avec force avant de me regarder vaciller et me renverser en arrière sur le divan, tout ça en sirotant une lampée de champagne. S'agenouillant, elle posa son verre à pied sur le parquet et s'avança féline. Plus elle s'approchait plus elle levait la tête, plus elle se cambrait pour me voir. Je jouais à ouvrir, fermer le bouton de mon jean, elle avait les paumes sur mes genoux,les phallanges en skieuses dévalèrent et pendant qu'une main tenait mes poignets, l'autre me débraguetta majestueusement, puis libéré elle tira jusqu'à le faire descendre, et qu'ainsi ma queue dégagée, sur le côté, se mette à gonfler. Sous ses soupirs excitées, je la tenais ferme par le cou, et ses yeux qui se retournaient semblaient sonder son for intérieur alors que son corps et son âme tout entiers me priaient de la prendre plus fort. Ce que je fis et plus encore, en écartant à deux mains ses fesses menues. Lorsqu'elle éjacula sur moi, c'était étrange, je sentais mon érection s'épuiser, fondant comme la glace dans les mains d'un enfant à La Panne, j'étais tout penaud. Constatant ma perte de contrôle, je me retirai d'elle qui continuait de chercher son souffle dans le replis des draps et je rampais silencieusement vers la salle de bains. Deux billets trônaient sur la table de chevet lorsqu'elle se réveilla.

Je commençais à avoir envie d'un café, pourtant je ne me sentais pas fatigué, c'était une histoire de caféinomanie, je fis plusieurs boîtes de nuit où on n'en vendait pas, alors que je sortais d'un lieu où la musique techno s'ouvrirait les veines si elle n'était pas aussi défoncée tout le temps, une fille ébène m'attrapa le poignet, en me disant qu'elle avait du bon café dans son meublé, là juste en face. Son doigt me faisait craquer, je tatais l'intérieur de mes poches, tous les chemins mènent à Rome. Je la fixais, son regard était noir ce qui me faisait m'y refléter, je me tournais légèrement sans qu'elle ôte mon chibre du fond de sa bouche et la lumière ne fut plus. Je l'entendais qui faisait du bruit, sa gorge, dans laquelle mon gland entrait, sortait, selon le coeur qu'elle y mettait. Je voyais dans la lueur galopante ma tasse à demi-vide posée à côté de mon visage. Je sentais que ça montait quand elle se mit à rebondire sur ses genoux, avant que le bruit de la salive et de sa glotte soit effacée par celui de l'interphone. Cette sonnette, pas prêt de l'oublier. Elle se leva précipitemment, je voyais briller ce spaghetti de salive qui traçait une droite d'Euler entre ses lèvres et mon gland, le centre de gravité appartenant à son mari qui rentrait plus tôt. Heureusement pour nous il a oublié ses clés, elle se mit à jurer, je lui demandai de se calmer en sortant un billet qu'elle refusait prétextant ne pas avoir réussi à me faire jouir, je lui dis que je m'en fous, elle ne voulait rien entendre et me mit à la porte, ma veste sous le bras. Dans l'étroit escalier je croisais son amoureux, un homme à la carrure disproportionnée qui me salua poliment. Je venais de le dépasser que des remords me vinrent, je l'arrêtai et lui remis le billet qui était dû à sa douceur.

Avant d'entrer dans le quartier des néons, deux frères tentèrent de me faire les poches. Pas d'autre choix que de les renvoyer chez leur mère la queue entre les jambes. Je balançai un de leurs vélos dans le ravin et piquai l'autre, pour dire de ne rien manquer du spectacle qui continuait comme un esclave moderne de me travailler. Les premières prostituées qu'on voit ici ont le grade de reine, elles ont droit de vit et de mort. Mais j'ai toujours préféré les petites fraicheurs, celles qui ne feront pas long feu, qu'on a même du mal à imaginer dans ces vitrines, qu'on imagine bien mieux un bic en bouche écouter un sexagénaire déblatérant sur la géographie des antipodes, jusqu'à ce qu'on les voit se trémousser. J'aurais voulu avoir mon walkman et écouter Whore Luck de Picastro, celui qu'à la fin de l'adolescence j'ai jeté avec bien d'autres présents au fond d'un énorme sac poubelle avant de quitter la piaule que je squattais chez mes parents. Derrière un double vitrage, il y'avait cette fille qui ressemble beaucoup à mon premier amour et qui est en train de vendre son corps à un homme beau garçon seulement chanceux d'avoir tiré un vélo plus rapide. Je regarde au loin, derrière les immeubles qui s'opposent à moi dans leur grandeur et leur âge, le soleil qui se lève les couilles pleines.

Nouvelle prostituée de Charly Lazer

librement inspirée par les illustration de Fred Le Chevalier

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