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un article d'Angèle Waffle

   Quand Charly m’a proposé d’écrire un petit quelque chose, j’ai dit oui, mais sur quoi ? Alors on a évoqué Anaïs Nin. Anaïs Nin ? C’est qui ça ? J'avais pas trop l’intention d’écrire sur une minette peu farouche. Puis j’ai fait des recherches.

J’ai alors découvert une femme de lettres qui m’était inconnue, une inconvenante femme écrivain et avant-gardiste. Pour les années 40, un joli combo.

Anaïs Nin écrit d’abord des journaux intimes qu’elle fait publier, cette méthode est étonnante pour son contexte ; les auteurs qui publient des journaux intimes sont des hommes fabulateurs, les ressentis sont factices et romancés. Anaïs Nin, elle, ne fait pas dans la dentelle, elle écrit sans retenue les rythmes variés de sa propre vie. Mais, attention, c’est du sérieux, oublions tout de suite l’image de la gamine candide allongée sur son lit rose qui parle à son petit journal, stylo en bouche. Anaïs Nin aborde une démarche littéraire où elle évoque notamment ses nombreux amants aux noms américains. C’est à partir de là qu’elle tend vers cette impudeur qui va gêner, cette douce entreprise de la chair. Elle dépeint le désir féminin, qu’elle connaît fort bien, notamment grâce à ses études psychanalytiques. Elle expose aux yeux extérieurs les fantasmes qui hantent les femmes, qu’ils soient traditionnels, pulsionnels ou même homosexuels. C’est un choc pour les hommes, mais une libération pour les femmes. Les hommes ne sont alors plus les seuls à pouvoir adorer l’acte charnel, les femmes, elles aussi, sont des coquines. On parle bien de sexe ici, de désir, de l’audacieuse révélation de la perversité féminine. La franchise d’Anaïs Nin est troublante, elle divise les avis de la critique, notamment pour son œuvre principale, Vénus Erotica.

Aujourd’hui l’érotisme est omniprésent et on ne lui tourne plus le dos. A son époque il en était bien autrement, de ce fait, Anaïs Nin est considérée par beaucoup comme la première femme à avoir écrit aussi crûment sur le sexe. C’était sûrement sa façon à elle de s’épanouir, et pour le monde c’était une porte ouverte sur un avenir de possibilités. C’est vrai, on jouerait bien avec le feu pour attirer le pompier, on serait bien agricultrice pour errer dans les champs, on entrerait bien dans cette boutique qui vend du plaisir solitaire, on prendrait bien une douche avec notre meilleure copine. Les filles nourrissent leurs instincts libidineux. Nous avons toutes déjà jeté un œil, et parfois plus, sur des nouvelles érotiques ou des forums internet naïfs mais pas désagréables, nous nous racontons nos petites aventures, et nous en vantons même parfois. Nous sommes dévergondées, et personne ne s’en plaindra. Anaïs Nin, et je finirai par là, ne s’adresse pas qu’à ses consœurs, mais aussi à la gent masculine hétérosexuelle qui apprendra, en se délectant, comment explorer le plaisir.

Lire & faire jouir.

"Je veux t’apprendre quelque chose, tu veux bien ? " dit Millard.
Il glissa un doigt en moi.
"Maintenant, je veux que tu te contractes autour de mon doigt. Il y a un muscle, tout au fond, que l’on peut faire jouer autour du pénis. Essaie."
J’essayai. Son doigt était une vraie torture. Comme il ne le remuait pas, j’essayai de bouger à l’intérieur de mon ventre, et je sentis le muscle dont il parlait s’ouvrir et se refermer autour du doigt, très faiblement au début.
Millard dit :
" Oui, comme ça. Fais-le plus fort, plus fort."
Et je le fis, ouvrant, refermant, ouvrant, refermant. On aurait dit une bouche minuscule à l’intérieur, pressant ses lèvres autour du doigt. Je désirais le prendre tout entier, le sucer. Et je continuai d’essayer.
Puis Millard me dit qu’il allait me pénétrer sans bouger et qu’il faudrait que je continue à serrer à l’intérieur. J’essayais de me coller à lui de plus en plus fort. Le mouvement m’excitait et je me sentais tout au bord de l’orgasme, mais après m’être collée à lui plusieurs fois, avalant son pénis, il se mit soudain à gémir de plaisir, poussant plus vite car il ne pouvait plus se retenir. Je me contentais de poursuivre ces contractions intérieures, et je sentis monter en moi l’orgasme, venant des profondeurs merveilleuses de mon corps, tout au fond de mon ventre."

Extrait de Venus Erotica

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