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Illustration de Celine Steffens

Rêveries sur le dos

Une nouvelle de Farouk Archaoui

La fin d’une bouteille sur le sol pas loin explique la caresse de son dos par une main absente d’un désir de caresser son dos. Emmitouflés dans une large couette, ça pue la nuit et nos deux corps nus ; son seuil franchi je l’ai senti venir, lèvres contre lèvres mains qui glissent et enlève moi ce pantalon. Parce que nos sexes s’emboîtent qu’il est obligatoire de passer par là, déjà petits nous aimions les jeux de construction. Mes couilles collent sur sa cuisse il fait chaud et je lui caresse le dos. Ce nid commence à m’étouffer, qu’une hâte c’est de rentrer chez moi et oublier cette nuit enfermé cloisonné séquestré entre quatre murs, piégé dans la large couette et oublier ce dos. Je me roule une clope pour passer le temps et m’occuper les mains. La pièce est très peu meublée mais suffisamment pour me sentir épié et de trop. Ils ne me connaissent pas tous ces meubles mais savent mon mensonge, savent que je ne voulais pas être ici, que je ne pourrai jamais m’habituer à eux et me le reprochent durement, cois comme s’ils couvaient une effroyable colère. Qu’est-ce que je fous là. Encore une nuit chez elle et je ne l’ai même pas encore emmenée chez moi mais l’emmener chez moi signifierait une sacralisation de quelque chose et je n’ai même pas envie de lui caresser le dos alors à quoi bon et je me dis qu’un jour j’écrirai sur ce corps blanc à côté de moi et mon sexe qui sue loyalement blotti entre les poils.

Qu’une hâte rentrer chez moi et oublier cette nuit et éventuellement piquer un somme dans le canapé. Ce canapé qui a vu mon éveil sexuel tard le soir, qui a supporté toutes sortes de culs lors d’apéros entre amis, qui m’a surpris à fantasmer un éventuel amour avec Géraldine Nakache ; d’abord on s’aimera et on fera l’amour toutes les nuits, tu m’emmèneras chez toi et je t’emmènerai chez moi car t’emmener chez moi signifiera une sacralisation de quelque chose et j’ai envie de te caresser le dos puis notre relation deviendra platonique et nos rapports seront purement intellectuels. On ne se verra pas tous les jours, tu seras souvent occupée sur les tournages de tes films et moi à écrire sur ton dos.

               Mais ce ne sera pas pour tout de suite, là je finis ma clope et réfléchis à un moyen de me casser d’ici avec majesté.

Je pourrais partir, tout simplement, comme ça, mais l’armoire rouge me regarde de travers et je doute qu’elle puisse tenir sa langue. Ou alors me barrer par la fenêtre, sauter sur le toit du parking et rejoindre la rue. Mais l’idée d’enjamber toutes ces chaises sur le balcon sans faire de bruit me terrorise, surtout qu’elles me sourient sournoisement à travers la vitre.

               Tant pis, sur la tête du lit je n’ai plus qu’à m’adosser à côté du dos qui dort et que je ne caresse pas. Promis Géraldine, demain je taille la route et te rejoins.

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