Si l'été se termine dans le ciel c'est qu'il se cache dans ton coeur
Si l'été se termine dans le ciel c'est qu'il se cache dans ton coeur
Focus obsessionnel sur deux festivals au crépuscule de l'été
Littérature, Love, etc...
Heart Of Glass Heart Of Gold
Chez Han Han, nous ne sommes pas férus d’actualité. Perso, il m’arrive d’écouter France Info sous la douche, et de mater le Zapping, même si ces derniers temps, ça me fait profondément chier. Sinon, les infos, ça va rarement plus loin que les articles polémiques de mon petit frérot balancés sur les réseaux sociaux comme des casseroles d’eau bouillante. Mettre le feu à la plaine, c’est pas trop notre truc, même si je rêve d’avoir un kilt depuis que j’ai 11 ans, personne ne m’en a offert. Le pire c’est que je ne le porterais jamais. Notre truc, c’est plutôt la passion, pour des trucs qui sont là pour durer, et qu’on découvre comme un petit trésor sur une île déserte. L'humain est comme ça, il désespère et il s’émerveille pour un rien.
Dans ma hometown, le premier weekend d'octobre, il y’a un évènement unique. Ils appellent ça un festival parce que "salon" ça pue, c’est chiant, se passe rien de bien décadent, pas de quoi rire, pas de quoi grimper au rideau. Et c’est pas que jouer sur les mots, c’est un vrai festival. Pluridisciplinaire probablement, en imaginant les yeux clos que ce mot ait un sens, Littérature Love Etc. écrit des livres sur une pellicule qu’on implante directement dans l’oreille du spectateur. De la musique oui, de la littérature évident, des projections sur grand écran. Festival hypersensuel. On y croisera Renart qui avait réalisé notre première mixtape d’amour. Il jouera ce qu’il aime jouer en musique dancy & contremplative sur du porno du début du 20ème. On pourra aussi écouter lire une jolie rousse, mais là je me livre beaucoup trop non ?
Si vous n’avez rien compris, voici une mini interview pourtant fort complète de l’organisatrice, Aurélie Olivier, une personne adorable dont voici le mollet.
Han Han : Peux-tu me parler un peu de ton parcours, ce qui t’a mené à ce festival de littérature ?
Aurélie : Petite, à chaque anniversaire, mes cousines m'offraient un livre de la collection Martine. Dans l'un d'entre eux, Martine à la ferme je crois, il est écrit que Martine est triste. J'avais 7 ans, et je découvrais qu'il y a avait des lieux où on pouvait dire la tristesse : je crois que ça a été ma première émotion esthétique.
Plus tard, vers 12 ans, je lisais tous les romans à l'eau de rose que France Loisirs envoyait à la maison. Les livres de Daniele Steele, mais aussi La Route de Madison...
Encore plus tard, genre fin du collège, je me suis dit qu'il était temps de vivre tout ça pour de vrai : dire la tristesse, avoir des histoires d'amour... Mais les autres n'étaient pas vraiment réceptifs, alors je passais beaucoup de temps dans le CDI du collège, me disant que je n'avais peut-être pas lu les bons livres.
Je ne sais pas ce qu'est devenu Jean, le doux documentaliste du CDI, mais de mon côté, je n'ai pas arrêté depuis de chercher des trucs dans les livres, de ces trucs qui s'ils ne t'aident pas nécessairement à savoir dire la tristesse ou à avoir des histoires d'amour, en revanche rendent ta vie plus riche.
En novembre dernier, après une bonne décennie de lectures dans mon coin, je me suis dit que si j'arrivais à partager ces lectures, à les sortir de l'intimité dans laquelle elles étaient habituellement confinées, j'arriverais peut-être à démultiplier cette richesse. Cette idée me donnait envie de danser le matin, ce qui était un bon signe.
À ce moment-là, je lisais un livre de Nathalie Quintane, l'une des auteures dont j'admire le plus le travail, où elle est écrit : « Parler d'autre chose que d'amour et de mort, c'est comme décortiquer des cacahuètes, deux cents pages sur autre chose que l'amour et la mort, c'est comme un grand tas de cacahuètes. Si tu parles d'amour, mais pas de la mort, ce sera un petit tas de cacahuètes ; ce sera déjà quasi de la littérature, en bon chemin. » Cette phrase m'a fait l'effet de ces pétrifiantes coïncidences dont parlent les surréalistes, j'ai commencé à nourrir un fantasme de festival de littérature qui parlerait d'amour et qui me mettrait en bon chemin. Timidement, j'ai confié ce fantasme autour de moi et mes confidents ont été tellement enthousiastes qu'on a décidé de dépasser ensemble le stade du fantasme. En janvier dernier, on créait l'association Littérature, etc.
Han Han : Ca parle d’amour, cette année, ensuite le sujet changera. Il y aura toujours la passion. On dit que la passion s’en va avec le temps, avec toi c’est l’inverse ?
Aurélie : J'ai l'impression que ce n'est pas tant la passion qui s'en va avec le temps, que les sujets et les objets de cette même passion qui doivent se transformer pour nourrir la bête (la passion) qui s'ennuie d'autant plus vite, qu'elle sait intimement que ce n'est pas tant le temps qui passe, que nous qui passons, et qu'il ne s'agirait donc pas de s'ennuyer.
Han Han : Quels seront les grands moments, les immanquables du festival selon toi ?
Aurélie : Ce qui est terrible avec cette question, c'est que j'aurais envie de te parler dans le détail de chacune des surprises qu'on a imaginées (lectures, effeuillage burlesque, films, rencontres, djsets). Mais puisqu'il faut choisir, je vais m'en tenir à ce que je connais je crois le mieux, à savoir la littérature.
Il y a d'abord cette lecture au casque de Pas dans le cul aujourd'hui, une lettre de l'auteure tchèque Jana Černá à son amant Egon Bondy qu'on a traduit au cœur de l'hiver avec Anna Rizzello. C'est un texte érotique qui me semble ultra puissant parce qu'il est fait de ce désir qui exige d'être en prise avec la vie. Les textes qui t'invitent avec cette force à aller voir du côté de la vie, quand ils ne sont pas autoritaires, c'est vraiment quelque chose de précieux.
Dans un autre registre, celui de l'apprentissage, on est super content-e-s d'accueillir Gaëlle Bantegnie et Pierric Bailly parce qu'ils ont à mon sens sortis les premiers livres qui réussissent à écrire les tâtonnements, les ratés et les curiosités de nos désirs d'adolescent-e-s (et donc à nous délester d'un sacré poids).
Et enfin, le dimanche traitera d'un thème qui m'est particulièrement cher - notamment parce que ce n'est pas gagné - celui de l'émancipation. On recevra Julie Maroh pour Le bleu est une couleur chaude, BD qui raconte une histoire d'amour qui en plus des difficultés de l'amour, affronte la dureté des jugements homophobes.
Pour ce même thème, on recevra également Noémi Lefebvre pour un livre trop peu connu qui s'appelle L'état des sentiments à l'âge adulte dans lequel elle écrit l'influence des conditions sociales, économiques ou historiques sur nos relations amoureuses. Malgré tout ça (écrire les conditions sociales, économiques ou historiques) ce livre met de côté le fatalisme mortifère et choisit l'espoir. On y trouve notamment cet agencement de mots quasi-magique, qui est je crois, le top départ de toute émancipation : " la nouvelle vie qui serait toujours possible."

S’il y’a un festival de musique que nous voulons soutenir corps et âme c’est bien Heart Of Glass Heart Of Gold. Déjà parce que sa programmation est plus indie que la moyenne, que ça a lieu dans un cadre naturel et agréable, et aussi car ça sue la sincérité : bien qu’inspiré par l’expérience anglo-saxonne des All Tomorrow’s Parties auxquels participent régulièrement les organisateurs, ici, on ne grille pas d’étape. Les mecs qui font ça sont pourtant bien plus expérimentés que toi et moi. Ils ont un réseau de fou malade. Ils voient les choses à taille humaine, et c’est ravissant.
Comme Littérature Love Etc., c’est un lancement, une première expérience, une exclusivité. Je crois que ça force l’admiration. Je crois aussi que j’ai envie d’y être aussi pour dire j’y étais. Je me projette dans le futur avec presque plus d’espoir que les organisateurs. Je me sens idiot de ne pas être ignorant parfois, et d’espérer trop fort que ce qui est beau, ce qui est bon, ce qui me procure beaucoup plus de plaisir car une émotion réelle et intense, que tout finira par devenir la loi.
L’idée c’est de vivre en immersion le temps d’un dernier weekend en grand écart entre l’été et l’automne. L’été indien en fait c’est en Ardèche. Un camp de vacances. 1000 places dans des bungalows, deux scènes, une piscine avec des concerts et des djsets, un miniclub pour montrer ses mollets musclés et s’effondrer dans l’herbe, sur le seuil, en attendant qu’une main gentille vienne nous chercher. Je suis sûr que Hog Hog, pour les intimes, sera un endroit plein de gentilles personnes et où l’amour prédominera, bien devant tous les soucis qu’on aura la veille et le lendemain. Et que ça laissera même une trace sur chacun d’entre nous.
Niveau programmation musicale, j’ai mes coups de cœur, l’amour nostalgique d’Au Revoir Simone, les frappadingues Action Beat, la douce violence (oui, la souffrance peut être source de plaisir) de Fuck Buttons. Pour rester romantiques pendant le weekend, j’irai bien sûr voir Sean Nicholas Savage, enfin avec un groupe, c’est mon coloc Gilles 3000 qui va me haïr. Mais bon je lui raconterai tout ! Oh mais il y’a aussi Connan Mockasin, vu 3 fois manger salade jamais malade, et la profondeur de Fairmont. Mais j’ai quand même trop hâte de nager en regardant Piano Chat jouer. Je vous ai déjà dit que je ne savais pas nager sur place ?
Voici de quoi se mettre l'eau à la bouche!
