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Transverbération, une histoire du plaisir

de Charlotte Vixès

Illustré par Nina Cosco

    Elle n’aurait jamais cru se retrouver un jour au lit avec un mec comme ça. Elle regardait son corps, fascinée : Putain, moi (moi), au pieu avec un mec comme ça. Il était foutu comme un dieu grec. Pas comme ces jeunes éphèbes déhanchés ; non, comme un dieu qui en impose, un créateur capable de voler le feu pour le donner aux hommes. La peau bronzée, le torse imberbe et dessiné comme sur une publicité Calvin Klein. Elle se marrait en se disant qu’elle était dans la situation inverse du gars qui se tape une bombe ; elle tenait entre ses cuisses un idéal masculin.

 

Suffit d’embrasser quelqu’un pour savoir comment il va niquer, lui avait-on dit une fois. Une nuit entière, elle avait essayé de se convaincre. Elle s’était accrochée à ses fesses pour qu’il la prenne plus profondément, elle avait mordu ses lèvres, lui avait tendu son cul. Finalement, elle avait jeté ses longs cheveux en arrière et ses yeux s’étaient perdus sur le plafond.

 

Les orgasmes, elle savait comment se les procurer toute seule. De sa vie, elle n’avait jamais eu d’effort à faire pour jouir par elle-même. Cela lui était venu de manière empirique. Mais ne savoir jouir qu’en solitaire était sa condamnation. Peut-être était-elle un monstre d’égoïsme ? Seule, c’était une banale affaire. Des fois, elle se sentait soudainement toute excitée. Ou bien, elle était stressée, angoissée ou déprimée. Elle avait alors le pouvoir. Et elle trouvait ce pouvoir immense. Cela commençait par une hyper-sensibilité à la surface de son sexe, qui se propageait à l’intérieur, doucement, plus insistante. Puis ça explosait juste sous la peau fragile, diffusant la délectation dans le reste du corps de manière chaotique. Il y avait une partie d’elle-même qui se félicitait. Pur plaisir égoïste. Il lui fallait toujours quelques secondes pour reprendre ses esprits. Elle prenait de grandes inspirations, s’affalait quelques instants puis recommençait...

 

Allongée dans la moiteur, je fixe le plafond. Je me sens droguée, dans le bon sens du terme. Je suis complètement décalquée, le corps léger comme du coton, enfoncé dans le matelas. Je ne sais pas quelle heure il est et je m’en fous. Je ressens des spasmes dans le bas ventre, comme des réminiscences de l’orgasme. L’effet kiss cool. Je souris, « merci Dieu ». Je ne sais pas, mais les seuls moments de ma vie où l’idée d’un dieu m’apparaît sont ceux qui succèdent à l’orgasme. En fait, c’est là où dans un éclair j’envisage dieu comme la possibilité. Parce que j’ai envie de remercier la vie de me donner cette chance de prendre du plaisir, comme ça gratuitement. Je me lève et je traverse la pièce pour aller remplir une bouteille d’eau. Nue au milieu de la pièce, j’ai froid. Puis je regarde le mec dans mon lit, enveloppé dans la chaleur, et j’ai soudain très envie de lui.

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